
Patrick Pouyanné aime à le répéter : TotalEnergies est « la major pétrolière la plus impliquée » dans la transition énergétique. L’image de pollueur qui lui colle à la peau ? Les climatologues et ONG qui dénoncent les conséquences de ses activités sur l’environnement et son greenwashing ? Les procès dont l’entreprise fait l’objet ? « On a parfois du mal à aimer les premiers de la classe », justifiait le PDG, avec l’aplomb dont il est coutumier, dans un entretien au Journal du dimanche, en juin 2023.
La multinationale ne lésine pas sur les moyens pour faire savoir qu’elle s’engage, depuis 2020, à atteindre la neutralité carbone en 2050. Partout, dans les publicités, la multinationale étale fièrement les turbines de ses éoliennes et ses panneaux solaires étincelants. Elle a même entrepris de changer de nom : depuis 2021, elle accole le pluriel « Energies » à « Total », pour insister sur ses efforts de diversification à côté de ses activités historiques − le pétrole et le gaz, deux des principales sources d’émissions de gaz à effet de serre et causes de la crise climatique.
Un « jeu de dupes » et des « pratiques commerciales trompeuses », accusent les ONG, qui ont assigné l’entreprise en justice dans divers procès. Bon nombre de scientifiques distribuent aussi des mauvais points. « Seul un changement drastique de stratégie pourrait permettre à TotalEnergies de s’aligner avec les scénarios de réchauffement climatique à + 1,5 °C voire à + 2 °C d’ici à 2100 », préviennent 188 scientifiques et experts, dont les climatologues Valérie Masson-Delmotte et Jean Jouzel, dans une tribune publiée par Le Monde en 2023. A leurs yeux, la major reste donc très loin de respecter l’accord de Paris sur le climat de 2015. Alors, le « fleuron » national de l’énergie freine-t-il la transition énergétique, ou y participe-t-il ?
Acquisitions de projets déjà existants
Aux détracteurs, M. Pouyanné réplique qu’il veut « [garder] le cap ». Réélu pour un quatrième mandat, il l’a encore dit aux actionnaires venus jusqu’au siège de la Défense (Hauts-de-Seine), vendredi 24 mai, lors de l’assemblée générale du groupe : son offre est désormais « multi-énergies ». Elle a atteint, en 2023, une capacité brute de 22,4 gigawatts (GW) d’électricité renouvelable, l’équivalent d’une vingtaine de réacteurs nucléaires. Principalement grâce à des installations en Amérique du Nord et en Inde, avec quasiment deux tiers de solaire, puis de l’éolien, sur terre ou en mer. Soit 33 % de plus sur un an. Une hausse substantielle, sachant qu’elle partait de nulle part (à peine 1,7 GW en 2018). Le groupe vise 100 GW (brut) en 2030, et une place parmi les cinq premiers producteurs mondiaux d’électricité renouvelable – en dehors de la Chine, comme il le précise depuis mars.
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