Des histoires de retours, le sport en connaît un certain nombre. Mais celle de Rosario Murcia-Gangloff est tout sauf banale. C’est qu’à 59 ans et à la faveur des Jeux de Paris 2024, l’athlète française reprend le fil d’une histoire commencée voici trente-deux ans. Le 1er août 1992, à Barcelone, Rosario Murcia-Gangloff avait disputé l’épreuve olympique du 10 000 m, dans la ville de naissance de son père, immigré espagnol en France. Dimanche 8 septembre, à Paris, c’est sur le marathon paralympique, cette fois, qu’elle s’aligne.
Entre ces deux rendez-vous planétaires ? La Lyonnaise a été victime d’un décollement de rétine, avant d’être atteinte d’un glaucome, maladie dégénérative du nerf optique, qui la mènera au handisport et lui vaut d’être aujourd’hui classée en catégorie T12, réservée aux déficients visuels.
« Je suis une petite jeune mémère », s’amuse l’athlète, que l’expérience auprès de sportifs plus jeunes « fait retourner dans [sa] jeunesse ». « On a été beaux comme eux, là on est plus âgés que le staff [de l’équipe de France]. » Si Rosario Murcia-Gangloff dit « on », c’est que le premier de ses deux guides, qui l’accompagnera sur les dix premiers kilomètres, n’est autre que son mari, Gilles Gangloff, 60 ans.
Pour ce retour, la marathonienne a, aussi, réembarqué son entraîneur de toujours, Bernard Pelletier, 77 ans. « Tu me sors de ma retraite, mais c’est avec grand plaisir que j’y retourne », lui a-t-il répondu. « Il n’a pas réfléchi. Il connaît l’oiseau. Cela m’a donné le tournis quand il m’a dit oui », relate l’athlète. « C’était impossible de lui dire non », prolonge le technicien.
Détentrice pendant vingt ans du record national du 10 000 m, plusieurs fois championne de France et médaillée mondiale de cross par équipe, Rosario Murcia-Gangloff est une coureuse de haut niveau qui ne revient pas pour faire de la figuration. « Je veux aller chercher le podium, on a fait une préparation visant les trois heures », assène-t-elle.
Bernard Pelletier confirme : « Ce n’est pas fou, la médaille se joue autour de trois heures. » Il n’aura fallu que quelques courses de reprise pour convaincre l’entraîneur que sa protégée pouvait y prétendre : « Plus qu’un talent, c’est une passionnée. Si elle ne court pas, elle est malade. »
« Un passif génétique »
Pour se qualifier, elle a couru à deux reprises le Marathon de Paris, l’une des courses les plus difficiles du circuit. Bilan ? 3 h 07 en 2023 et 3 h 08, en avril, dans des circonstances particulières. Quelques jours auparavant, elle avait chuté à l’entraînement, le pied dans une ornière. « Mon œil droit est en cécité et mon œil gauche a beaucoup de pathologies, notamment un problème de relief et de champ visuel », justifie Rosario Murcia-Gangloff, qui ne distingue pas, par exemple, des escaliers suivant leur sens.
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