C’est une nouvelle manière d’alerter peu conventionnelle que plusieurs maires ruraux ont décidé d’utiliser, face aux difficultés d’accès aux soins qui touchent de plein fouet leurs territoires. En Bretagne, depuis le mois de juin, cinquante-cinq édiles des Côtes-d’Armor ont pris un arrêté visant à répondre aux « troubles à l’ordre public » suscités par « une offre sanitaire manifestement insuffisante pour garantir l’égalité d’accès aux soins de [leurs] administrés ».
Ils somment l’Etat de mettre en place un « plan d’urgence d’accès à la santé » et de « procéder à la dotation de personnels et de moyens dans les hôpitaux publics du département », sous peine d’une astreinte de 1 000 euros par jour. Fin août, la maire (divers gauche) de Digne-les-Bains a suivi le mouvement, en signant un arrêté similaire, de même qu’une trentaine de maires de son département des Alpes-de-Haute-Provence.
Le procédé juridique semble avoir des chances limitées d’aboutir, mais la démarche se veut aussi politique. « Nous nous mobilisons de manière récurrente pour nos services hospitaliers, à Carhaix [Finistère], à Lannion [Côtes-d’Armor], à Guingamp [Côtes-d’Armor], mais ça n’aboutit à rien, il n’y a jamais de dialogue avec l’agence régionale de santé, le ministère, l’Etat… nous avons voulu changer de méthode d’action », explique Gaël Roblin, élu (gauche indépendantiste) au conseil municipal de Guingamp, à l’origine de la démarche. « Cela fait un an et demi que la maternité de Guingamp est fermée, pointe Vincent le Meaux, l’un des maires signataires et président de l’agglomération de Guingamp-Paimpol. C’est regrettable de devoir aller sur le terrain judiciaire, mais nous voulons enfin obtenir des réponses, une médiation. »
Demandes très concrètes
L’Etat n’a cependant pas donné suite : dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet des Côtes-d’Armor a déféré les arrêtés devant le tribunal administratif, demandant leur annulation. Une première audience à Rennes (Ille-et-Vilaine), mardi 3 septembre, à laquelle quinze maires étaient convoqués, a vu le rapporteur public pencher du côté du préfet. Selon ses propos rapportés par l’Agence France-Presse : les arrêtés seraient « illégaux », les maires ayant été « au-delà de leur pouvoir de police ». Une dizaine d’autres édiles bretons sont convoqués la semaine prochaine, tandis qu’une première décision est attendue mi-septembre.
Dans ces textes réglementaires, un même argumentaire est développé : l’accès aux soins est une « condition essentielle » du respect de la dignité, et l’absence de mesures rectificatives pour l’assurer « nuit gravement à la dignité humaine et constitue de fait un trouble à l’ordre public ». Le maire détenant « l’autorité de police administrative », il peut donc prendre un tel arrêté pour mettre fin à ce trouble.
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