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des victimes présumées sortent du silence

by Marko Florentino
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En cette belle matinée, la colline de Saint-Martian a gardé ses allures de paradis. Au loin, les terres nues du plateau d’Albion dominent le Vaucluse. En contrebas, Apt et ses rues pittoresques. Le mas de pierre de la famille Faucon est toujours là, fier, beige, clos. Tignasse blanche, sourire abîmé par la cigarette, Ferjeux van der Stigghel, 61 ans, arpente les sentiers d’un pas vif.

Il a beau activer sa mémoire de photographe, rien, il ne reconnaît presque rien. « Comme si on avait effacé toute trace », lance-t-il, le souffle court, en ce début d’année 2024. La colline n’est qu’à quinze minutes en voiture de chez lui, il n’y était pourtant pas revenu depuis plus de quarante ans. Les pavillons ont grignoté la garrigue, les entrepôts ont envahi la plaine. Impossible de retrouver le cabanon où dormait, à l’écart, Bernard Faucon, alors maître des lieux. Les volets sont fermés, seuls quelques étourneaux brisent le silence.

Fut un temps, pourtant, où la colline résonnait du babil et des rires d’enfants. Pendant des décennies, elle a abrité la colonie de vacances tenue par les parents de Bernard Faucon, Francis et Mady, héritière de la dynastie provençale des faïenciers Bernard. « Maison d’enfants, chasse rigoureusement interdite », prévenait la pancarte, à l’entrée.

Des garçons âgés de 10 à 16 ans

Adolescent mystique né en 1950, Bernard Faucon y a un temps joué le rôle de moniteur, avant de devenir photographe, célébré par les amateurs d’avant-garde des années 1980. Habitant l’une des maisons, ses parents continuent de gérer la colonie jusqu’en 1994. Lui, transforme une autre partie du site en villégiature bohème. Avec le photographe Jean-Claude Larrieu, son « complice, son ami, son frère, ils construisent leur petit monde », se souvient Ferjeux van der Stigghel. Feux d’artifice, lâchers de ballons, festins poétiques, ils font de Saint-Martian une fête perpétuelle dans laquelle ils entraînent des amis, des admirateurs, et beaucoup d’enfants, d’adolescents.

Des garçons, exclusivement, âgés de 10 à 16 ans. Ils s’appellent Pierre, Christian, Camille, Donatien, Dwayne, Nicolas, David, Antonin, Cyril, Serge, Régis, Abdelrazak, Stéphane, Pixotte, Christophe, Alexandre, Ygal… Dans les cabanons dispersés sur la propriété, ils jouent, dorment, s’alanguissent… Des centaines de photographies de Bernard Faucon en témoignent. Ses préférées, prises entre 1981 et 1987, il les rassemble dans la série des « Chambres d’amour », publiée en 1987 (William Blake & Co).

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