
C’est la première fois, depuis son investiture, le 20 janvier, que Donald Trump annonce une offensive si directe contre les finances d’une université. L’administration du président républicain a fait état, vendredi 7 mars, de la « suppression immédiate » de 400 millions de dollars (369 millions d’euros) de subventions fédérales à l’université privée new-yorkaise Columbia, épicentre des manifestations propalestiniennes au printemps 2024, qu’elle accuse d’inaction face « à des actes antisémites ».
Selon le site Internet de Columbia, ses revenus s’élevaient en 2024 à 6,6 milliards de dollars, dont 1,3 milliard d’« aides gouvernementales ».
« Ces suppressions représentent la première série d’actions et d’autres devraient suivre », ont écrit quatre agences et ministères fédéraux, dont ceux de la justice et de l’éducation, dans un communiqué qui dénonce « l’inaction face au harcèlement persistant des étudiants juifs ».
« C’est un nouvel exemple de la politisation de l’enseignement supérieur et de l’ingérence du gouvernement qui entravent la liberté académique et l’autonomie institutionnelle », a regretté, dans une réaction à l’Agence France-Presse (AFP), la présidente de l’Association américaine des universités (AACU), Lynn Pasquerella.
Les positions de l’administration Trump « soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à la liberté académique et les droits du premier amendement » de la Constitution américaine sur la liberté d’expression, a ajouté Lynn Pasquerella. Les conséquences seront, selon elle, ressenties « non seulement par les professeurs et par les étudiants, mais aussi par tous ceux qui bénéficient de la recherche essentielle sur des maladies » et « d’autres problèmes de santé publique, menée à Columbia ».
« Agitateurs »
Donald Trump a eu les universités dans le viseur tout au long de sa campagne, dénonçant leur inaction face aux manifestations d’étudiants propalestiniens qui ont secoué les campus américains pour protester contre la guerre menée par Israël à Gaza après les attaques du Hamas du 7 octobre 2023.
Cette semaine, le président a encore menacé de couper les fonds à toute université autorisant « des manifestations illégales », promettant aussi d’expulser dans leur pays d’origine les étudiants étrangers « agitateurs ».
« Depuis le 7 octobre [2023], les étudiants juifs sont confrontés à une violence incessante, à l’intimidation et au harcèlement antisémite sur leurs campus – et sont ignorés par ceux qui sont censés les protéger », a écrit la ministre de l’éducation Linda McMahon. « Nous prenons au sérieux les obligations légales de Columbia et comprenons la gravité de cette annonce » de l’administration Trump, a réagi une porte-parole de l’université. « Nous nous engageons à lutter contre l’antisémitisme et à garantir la sécurité et le bien-être de nos étudiants, de notre faculté et de notre personnel », a-t-elle ajouté.
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L’université de Columbia, établissement privé de la prestigieuse et sélective Ivy League, qui compte quelque 30 000 étudiants et où le budget pour une année de scolarité s’élève à environ 90 000 dollars, était devenue l’épicentre parfois tendu des manifestations contre les bombardements israéliens à Gaza et le soutien de l’administration Biden à Israël.
Nouvelles manifestations
A l’appel de la présidente de Columbia, Nemat Shafik, qui a depuis démissionné, la police de New York avait délogé manu militari du campus quelques dizaines de militants et étudiants propalestiniens le 30 avril 2024. La présidente avait été accusée de ne pas lutter assez fermement contre des propos ou des actes visant des étudiants juifs, mais aussi d’avoir eu la main trop lourde contre des groupes d’étudiants propalestiniens.
Ces derniers jours, de nouvelles manifestations ont eu lieu pour protester contre l’exclusion de deux étudiants qui avaient perturbé un cours sur l’histoire d’Israël au Barnard College – l’université pour femmes rattachée à Columbia.
« Nous devons prendre les attaques de mauvaise foi contre l’enseignement supérieur pour ce qu’elles sont et y répondre », a aussi réagi auprès de l’AFP Joseph Howley, professeur de lettres classiques à Columbia, en espérant que l’université conteste en justice « cette mesure manifestement illégale ».
Depuis son investiture, Donald Trump a multiplié les annonces chocs de licenciements massifs dans l’administration fédérale, ainsi que des coupes importantes dans le financement public de la recherche médicale, ce qui va impacter les universités. La Maison Blanche compte économiser 4 milliards de dollars par an, des réductions dénoncées dans le monde de la recherche scientifique. De nombreuses mesures lancées par le président américain ont été contestées devant les tribunaux et pour certaines bloquées par des juges.