A 18 h 35, au 50, rue de Varenne, il a fallu ajouter des chaises pliantes dans la salle déjà comble de l’Institut culturel italien de Paris 7e (ICIP). Rendez-vous avait été donné, ce mercredi 21 mai, à 250 personnes pour le lancement en français du livre La Vie des formes (traduit de l’italien par Renaud Temperini, Flammarion), que signent le créateur de mode Alessandro Michele, 52 ans, et le philosophe Emanuele Coccia, 49 ans. Face au jardin, sur le parquet craquant et sous les ors de l’hôtel de Gallifet, dans cette pièce « où se sont rencontrés Napoléon et Mme de Staël », rappelle en préambule le directeur de l’ICIP, c’est une autre sorte de liaison qui s’est officialisée devant une assemblée plutôt conquise. Celle de deux disciplines qui n’avaient pas beaucoup frayé jusque-là.
Si la sociologie a envisagé le vêtement comme marqueur générationnel, social, statutaire ou de genre, la mode n’a jamais semblé intéresser le monde des idées ou celui de la culture. Chez Flammarion, on dit même que « le sujet est encore neuf en philosophie ». A l’Hôtel des Beaux-Arts, où l’on retrouve les deux auteurs le matin de la dédicace, Emanuele Coccia, qui dans ses travaux antérieurs a déjà ouvert le champ philosophique aux plantes, à la maison ou encore aux anges, explique en partie cela par une forme de tradition et aussi de posture, profondément enracinées.
« On n’apprend pas – à moins de se spécialiser – l’histoire de la mode. Ni à l’école ni à l’université. On n’enseigne pas l’importance de Gabrielle Chanel, qui a changé les codes en transformant, avec sa veste en tweed, un vêtement de sport en comble de l’élégance, juxtaposant deux réflexions, à savoir “qu’est-ce qu’une femme ?” et “qu’est-ce qu’un athlète ?”. Le résultat, c’est qu’en 2025, si tu ne connais rien à Charles Frederick Worth, Paul Poiret, Yves Saint Laurent, Azzedine Alaïa ou Martin Margiela, c’est OK. Tu peux même t’en vanter. Alors que, si tu ne connais rien à Picasso, tu es un plouc. »
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