Il a mis un bon moment à l’avouer mais Willem, 72 ans, compte bien voter pour le Vlaams Belang (VB), le 9 juin, lors des élections régionales et fédérales, et « encore plus » en octobre, pour les élections communales. Ce « Flamand de Bruxelles », comme il dit, n’est pas né à Molenbeek mais il y vit depuis une trentaine d’années et se présente en souriant comme « le Belge en voie de disparition ». Après son deuxième verre de bière, il livre son nom de famille mais refuse qu’il figure « dans la gazette », car il pense que cela lui vaudra des ennuis. Avec qui ? « Avec tout le monde, et ceux-là surtout », dit-il, en pointant du doigt trois Maghrébins qui discutent tranquillement sur le pont qui enjambe le canal aux eaux sombres reliant Bruxelles à Charleroi. Migrants, réfugiés, illégaux, étrangers naturalisés : pour Willem, il n’y a pas de distinction à opérer. Il y a juste « trop de non-Belges partout ».
Bob De Brabandere, qui sera la tête de liste du VB à Bruxelles pour les régionales, acquiesce et étale des statistiques : 1,24 million d’habitants dans la région-capitale, dont 951 000 d’« étrangers », soit 76 %. Le chiffre englobe Européens et non-Européens, naturalisés, Belges membres des deuxième et troisième générations d’immigrés, etc. Il est donc volontairement imprécis et tendancieux, mais atteint son but : impressionner, voire faire peur.
Pour le Vlaams Belang, il sert à conforter la thèse que le parti a repris à son compte : celle du « grand remplacement », que le jeune président du parti, Tom Van Grieken, évoquait lors d’une réception du Nouvel An, en janvier : « Il ne s’agit pas d’une théorie ou d’un complot obscur, mais bien de la dure réalité et du résultat de décennies d’immigration massive non contrôlée. »
De 25 % à 30 % d’intentions de vote
Tom Van Grieken est en train de porter sa formation vers les sommets : première formation de Flandre, avec de 25 % à 30 % d’intentions de vote, selon les sondages. A Bruxelles, les néerlandophones restent minoritaires et ne comptent que 11 députés sur 75, dont un seul du VB, au Parlement régional. Qu’importe : la situation, désastreuse à leurs yeux, de la capitale et de Molenbeek en particulier, permet aux dirigeants du parti d’illustrer leur propos. Avec ses 86,7 % de « personnes d’origine étrangère », la municipalité est, pour eux, le parfait exemple de l’« omvolking ».
Remplacement se traduit en néerlandais par « vervanging » mais « il fallait trouver quelque chose de plus parlant en néerlandais, de plus “performant”, que tout le monde puisse comprendre », explique Filip Dewinter. Cette figure historique du nationalisme flamingant, député du VB et vice-président du Parlement régional de Flandre, a donc intitulé Omvolking le livre qu’il a consacré au sujet en 2021 (Hertogfonds) et qui contient un long entretien avec Renaud Camus, l’écrivain français d’extrême droite à l’origine de cette théorie.
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