La réunion touchait à sa fin et plus personne ne faisait de détour par le buffet. La section républicaine du comté de Greenville (Caroline du Sud) venait d’effectuer un point complet, en ce vendredi 23 février, sur l’actualité du moment. Une trentaine de militants, quasiment tous blancs et âgés de plus de 50 ans, s’applaudissaient mutuellement et poussaient des soupirs entendus à l’évocation des ennemis de l’intérieur, responsables d’une supposée décadence américaine. Il fut question de livres contenant de la pornographie, de Harry Potter et de la promotion des forces obscures au détriment de la Bible, de cliniques pratiquant l’avortement. On encouragea chacun à s’improviser observateur du vote, le lendemain, jour de la primaire républicaine en Caroline du Sud. Le suspense est faible : tous les sondages annoncent une victoire de Donald Trump face à Nikki Haley avec environ 25 points d’avance. Soit une humiliation probable pour l’ancienne gouverneure locale (2011-2017).
Au mur de la salle, une affiche, écrite au feutre. « Vous devez être politiquement craint pour être politiquement respecté. » Il fut demandé au reporter français, sur un ton affable, s’il avait quelque chose à dire en conclusion. On tenta un sondage. « Qui, parmi vous, votera Trump ? » Toutes les mains se levèrent, comme on décline une identité avec fierté. « Qui, parmi vous, est diplômé du supérieur ? » Stupéfaction. Plus de la moitié des participants se manifestèrent. « Les trumpistes ne sont pas les ploucs édentés que présentent les médias, note avec satisfaction la présidente de séance, Yvonne Julian. En dehors des ouvriers, on a ici beaucoup de gens venant d’Etats libéraux, comme moi, des personnes éduquées, des entrepreneurs. »
Yvonne Julian a grandi à Chicago, puis elle s’est installée en Californie, où elle a travaillé trente-cinq ans dans l’industrie chimique, après des études de management. Cette nouvelle venue en politique, arrivée en Caroline du Sud il y a moins de dix ans, pilote le comité local du Parti républicain, entièrement repris par des militants enthousiastes et radicalisés, rejetant tous les cadres traditionnels du Grand Old Party dans leur Etat. Chrétienne et noire, Yvonne Julian s’inscrit volontiers dans « le mouvement populiste que Trump a levé, regroupant des gens ordinaires, pour lesquels l’élection de 2020 a été un catalyseur, parce qu’elle ne fut pas honnête ».
Elle n’a aucun égard pour Nikki Haley. « Je crois que notre gouvernement est totalement défectueux et que, comme on dit, la folie consiste à répéter la même action indéfiniment en s’attendant à un résultat différent. Pour moi, Nikki Haley fait partie de cette folie. » L’ex-gouverneure a tout essayé contre Donald Trump, durcissant ses attaques, le présentant en « loser » et suppôt du président russe, Vladimir Poutine. Rien n’y fait. En sens inverse, l’ex-président a caricaturé « bird brain » (« cerveau d’oiseau ») en candidate des élites honnies et des donateurs.
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