
Des agriculteurs se sont rendus en cortège, dimanche 17 novembre dans la soirée, près de la base aérienne de Villacoublay, près de Paris, pour dénoncer le projet d’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur, avant de nouvelles mobilisations à partir de lundi.
« Macron, si tu vas à Rio, n’oublie pas tes péquenots » : à bord d’une vingtaine de tracteurs et d’une trentaine d’autres véhicules, les manifestants ont bloqué deux des trois voies de circulation sur la nationale 118, qui longe la base militaire des Yvelines, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse. C’est de là que le président Emmanuel Macron s’est envolé samedi pour l’Argentine, avant de se rendre au sommet du G20 prévu lundi et mardi au Brésil.
Le président Emmanuel Macron a réaffirmé, dimanche à Buenos Aires, que la France ne « signerait pas en l’état » le traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur, disant vouloir « continuer » de s’y opposer. En dépit de l’opposition de la classe politique comme des acteurs agricoles français, l’UE semble déterminée à signer d’ici la fin de l’année cet accord, qui permettra notamment aux pays latino-américains d’écouler plus de bœuf, poulet ou sucre sans droits de douane en Europe.
« On nous met dans un monde de libre-échange et il faut qu’on ait les mêmes règles que les autres, sinon on est morts », a déploré Damien Radet, secrétaire général de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles) Ile-de-France, présent à Vélizy-Villacoublay. « On court un 100 mètres avec un boulet au pied », a imagé l’agriculteur de 54 ans, pour qui le mouvement naissant est appelé à « durer ».
« Gréviculture »
Plus tôt dans la journée, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, avait averti sur RTL, que « s’il y a un blocage durable, ce sera tolérance zéro ». Le locataire de la place Beauvau, qui a reçu cette semaine des responsables syndicaux agricoles, leur a fait part, a-t-il expliqué, de « trois limites » : « pas d’atteinte aux biens, pas d’atteinte aux personnes, pas d’enkystement, pas de blocage durable ». Autrement, « nous n’hésiterons pas à mobiliser les forces mobiles », a-t-il ajouté.
Interrogé sur le traité de libre-échange en question, Bruno Retailleau a déclaré qu’il était « bien sûr » possible de ne pas le signer. Selon lui, la France, qui s’oppose à cet accord, « a tout faux en termes d’approches économiques » dans le secteur agricole.
Le ministre a également pointé du doigt la « bureaucratisation à l’intérieur » et « la libération à tout vent à l’extérieur ». Affirmant être favorable à « une concurrence loyale et équilibrée », Bruno Retailleau a également estimé que les agriculteurs français subissaient trop de « contraintes ».
Le ministre a par ailleurs dit faire une différence entre la mobilisation des agriculteurs « qui n’arrivent pas à vivre de leur travail », et les cheminots – dont les syndicats appellent à une grève illimitée à partir du 11 décembre – qui « prennent régulièrement en otage les Français qui travaillent », dont il a dénoncé la « gréviculture ». « Il y a deux poids, deux mesures », a-t-il martelé.
Ne pas « gâcher » les fêtes de fin d’année
Au même moment, Arnaud Rousseau, le président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), principal syndicat agricole, était invité sur BFM-TV. Il a annoncé que « 82 actions » étaient prévues à partir de dimanche après-midi et jusqu’à mardi.
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« Il n’y aura pas de blocages », a-t-il assuré, en précisant toutefois que le trafic sur la N118 (entre Sèvres et l’Ile-de-France) sera probablement « ralenti » dimanche soir. « Nous ne voulons pas bloquer les Français, mais les prendre à témoin », a expliqué le représentant. Selon Arnaud Rousseau, le mouvement va se poursuivre « jusqu’à la mi-décembre au plus tard » afin de ne pas « gâcher » les fêtes de fin d’année.
Vendredi, le gouvernement avait cherché à rassurer les agriculteurs en difficulté. « Je ferai tout ce que je pourrai » et « toutes les promesses faites aux agriculteurs qui ont manifesté en début d’année seront respectées », a assuré le premier ministre, Michel Barnier, en marge des Assises des départements à Angers. Le chef du gouvernement a redit son opposition à l’accord entre l’UE et le Mercosur.
Le ministère de l’agriculture a, de son côté, précisé les modalités des prêts bonifiés, une demande pressante des organisations syndicales qui ont salué ces mesures tout en exigeant leur mise en place « urgente ». Deux dispositifs seront mis en place sous forme de prêts distribués par les banques souhaitant participer, a rapporté le ministère dans un communiqué.