Pour les dirigeants de V V Food & Beverage, ce fut la douche froide. Il y a quelques semaines, le groupe agroalimentaire, l’un des leaders du lait de soja en Chine, a reçu une notification d’arriérés d’impôts remontant jusqu’à trente ans en arrière. Le bureau des taxes de la ville de Zhijiang, dans le centre du pays, où l’une de ses filiales produit de l’alcool, lui réclame 85 millions de yuans (10,9 millions d’euros) pour avoir omis de verser une partie de la taxe sur les biens de consommation entre 1994 et 2009, qui ne lui avait pas été demandée plus tôt.
L’entreprise n’est pas la seule visée. Dans la capitale de la tech, Shenzhen, le producteur d’écrans LED LianTronics s’est vu demander l’équivalent de 2,5 millions d’euros d’impôts et un peu plus en amende pour des revenus de 2017. Le courtier ChinaLin, le groupe pétrochimique Bohui de Ningbo, l’entreprise Zangge Mining… tous se sont plaints, ces derniers mois, de situations similaires : le percepteur regarde particulièrement loin en arrière, comme s’il faisait les fonds de tiroir.
Alors que l’économie chinoise, dont le marché immobilier est à l’arrêt, peine à redémarrer après les années de Covid-19, les comptes des provinces, villes, cantons souffrent. L’administration des taxes a démenti toute campagne nationale en ce sens, mais le zèle des antennes locales dans la collecte d’arriérés d’impôts est « probablement lié aux difficultés des autorités locales », estime Xing Zhaopeng, analyste de la banque ANZ.
Le ralentissement a changé la donne
Car pour les gouvernements locaux, les temps sont durs. L’ère où l’urbanisation à grande vitesse alimentait la progression économique paraît déjà loin. Attirés par les possibilités d’emploi et d’éducation, les Chinois quittaient les campagnes pour les villes. Afin de les loger, les promoteurs immobiliers construisaient à tour de bras. Ils achetaient pour cela les droits d’usage de parcelles, dans un pays où la terre appartient à l’Etat. Ces cessions, réalisées par enchères, offraient une source de recettes importantes aux mairies et aux préfectures. En retour, elles construisaient les routes, gares, écoles qui contribuaient à leur rayonnement et à atteindre les objectifs de croissance fixés par la capitale.
Le ralentissement a changé la donne. Le fruit des cessions de terrains publics représentait 32 % des recettes de l’Etat en 2020 mais plus que 25 % en 2022, 21 % en 2023 et 12 % sur les cinq premiers mois de 2024, selon les calculs de la cheffe économiste de la banque Hang Seng pour la Chine, Wang Dan. Dans le même temps, l’activité des entreprises reste moins dynamique qu’avant le Covid-19, au détriment de l’impôt sur les bénéfices.
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