Pas question de louper le rendez-vous. Chaque jour, à 15 heures, les quatre amies jouent aux cartes sur une petite table en extérieur, devant le centre d’activités des seniors du bourg de Longpan (Yunnan). De là, sur les contreforts de la chaîne himalayenne, la vue est grandiose. Face au groupe de retraitées, le blanc des neiges éternelles de la montagne du Dragon-de-Jade cède rapidement à toute une palette de verts sur le flanc de colline qui dévale jusqu’au cours d’eau. A ce stade de son parcours, on l’appelle encore Jinsha, la « rivière aux Sables d’or », mais des centaines de kilomètres plus loin, les Chinois ne le connaissent plus que comme le « Long Fleuve », le plus grand d’Asie, et les étrangers comme le Yangzi.
Les joueuses de cartes, en vestes aux tons pourpres de la minorité ethnique des Naxi, sont de nature taiseuse et restent focalisées sur le jeu. Quand l’une d’elles, Mme Wang, nous glisse quelques mots, c’est pour faire remarquer avec une pointe de malice qu’elle gagne plus souvent que les copines. Ces derniers mois, un sujet est tout de même venu nourrir leurs discussions, et celles de beaucoup d’autres habitants de la région du Yunnan : des affiches blanches placardées aux murs des rues principales dans les villages situés en amont des célèbres gorges du Saut-du-Tigre, un site apprécié des randonneurs et des touristes. Sur ces affiches, un décret des autorités provinciales portant sur « l’interdiction des nouvelles constructions et installations de populations dans la zone d’inondation du projet de barrage hydroélectrique de Longpan ». Le texte interdit à quiconque de venir s’installer dans la zone, à l’exception des soldats démobilisés, des prisonniers libérés retournant chez eux, des jeunes diplômés rentrant dans leur village ou encore des nouveaux mariés emménageant chez leur conjoint.
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