La place devant la grande Eglise réformée de Debrecen n’avait pas vu cela depuis longtemps. Dans cette deuxième ville de Hongrie, et bastion du Fidesz – le parti au pouvoir – des milliers de manifestants, certains ayant fait des centaines de kilomètres, sont venus écouter, dimanche 5 mai, le nouveau « champion » de l’opposition : Péter Magyar, un Hongrois de 43 ans, encore inconnu du grand public il y a trois mois.
Issu des hautes sphères du pouvoir, cet ancien diplomate s’en est brusquement détaché en février, à la suite d’un scandale qui a ébranlé l’exécutif de Viktor Orban, premier ministre sans discontinuer depuis 2010 : une grâce présidentielle, accordée en catimini au directeur adjoint d’un foyer pour enfants, condamné pour avoir étouffé les agissements pédophiles de son supérieur. L’affaire a été jusqu’à provoquer la démission de la présidente de la République, Katalin Novak, ainsi que le retrait de la vie politique de l’ex-ministre de la justice Judit Varga, qui devait mener la liste du Fidesz, aux élections européennes du 9 juin.
Le lendemain de ces démissions en cascade, Péter Magyar, compagnon de Judit Varga jusqu’en 2023, a su saisir le moment idoine pour s’ouvrir à la presse et multiplier les révélations sur un régime qu’il a connu de l’intérieur, après avoir navigué au sein de sa haute fonction publique. S’en est suivi son lancement en politique, ponctué de manifestations d’envergure, à Budapest puis aux quatre coins du pays. Le parti Tisza (« respect et liberté »), la formation politique qu’il a opportunément intégrée en vue des élections européennes et municipales du 9 juin, se présente à ces deux scrutins. Un dernier sondage de l’institut Median la crédite de 17 % des intentions de votes aux élections européennes.
Antisystème
« Où sont passés les 40 000 millions de forints [103 millions d’euros] de l’Union européenne [UE] avec lesquels on aurait pu reconstruire ce magnifique pays ? Où est cet argent ? Dans les hôpitaux ? Les écoles ? La protection de l’enfance ? », interroge sur scène Péter Magyar, en jean, chemise et tennis blanches, devant une foule rassemblant jeunes et moins jeunes. « Non ! », scande l’assemblée, qui agite des drapeaux hongrois. « La plupart de cet argent est entre les mains de particuliers (…) et nous, nous allons défaire cette entreprise [codétenue] par Viktor Orban, Tiborcz et Meszaros [deux hommes d’affaires proches du premier ministre] », poursuit l’avocat.
« Nous pourrions fermer ce chapitre qui a fait de la Hongrie l’un des pays les plus pauvres de l’Union européenne et l’un des plus corrompus », poursuit-il. A trente-cinq jours des élections, celui qui bouscule les rangs d’une opposition atone et divisée, offre de choisir entre « la propagande ou la réalité » ou encore « la division ou la réconciliation ». Sur l’estrade, son apparition a été précédée de plusieurs interventions de célébrités et de représentants de la société civile.
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