
Onze personnes ont été placées en garde à vue, mercredi 19 juin, dont Christian Tein, considéré comme le leader de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), mouvement à l’origine du soulèvement contre la réforme du corps électoral, a confirmé le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas.
Ces suspects sont interrogés dans le cadre d’une enquête visant « les commanditaires présumés des exactions commises (…) à compter du 12 mai 2024 » dans l’archipel, a précisé le magistrat. Elle vise notamment des faits d’association de malfaiteurs, de vols avec armes en bande organisée, de complicité par instigation de meurtres ou de tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique, a-t-il ajouté.
Comme l’a rappelé le procureur, les gardes à vue entamées mercredi peuvent se prolonger pendant quatre-vingt-seize heures « s’agissant de faits relevant de la criminalité organisée ». M. Tein a lui-même contacté la gendarmerie pour être conduit devant les enquêteurs « dans le but de s’expliquer sur les faits reprochés », selon Yves Dupas.
L’opération, déclenchée mercredi dès 6 heures, heure locale (21 heures à Paris), intervient cinq semaines après le début des violences qui agitent le territoire français du Pacifique Sud, les plus graves depuis celles des années 1980.
Activité toujours perturbée
Nourries par le vote d’un projet de loi constitutionnel visant à élargir le corps électoral calédonien pour le scrutin provincial prévu à la fin de 2024, ces émeutes ont fait neuf morts, dont deux gendarmes, des centaines de blessés et des dégâts considérables, d’un coût estimé à 1,5 milliard d’euros, selon le dernier bilan.
Le camp indépendantiste s’oppose à ce texte, qu’il accuse de vouloir rétrécir son poids politique. La réforme, qui devait encore être approuvée par l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès, a été suspendue par la dissolution de l’Assemblée décidée par Emmanuel Macron après la victoire du Rassemblement national aux élections européennes du 9 juin.
Si l’intensité des violences s’est réduite ces derniers jours, permettant la réouverture de l’aéroport et d’écoles lundi, de nombreux barrages perturbent encore l’activité sur le Caillou, malgré le renfort de 3 500 policiers et gendarmes.
Depuis les premières violences, le 13 mai, la CCAT est soupçonnée par les autorités d’être l’instigatrice des violences. Elle a été qualifiée d’« organisation mafieuse » par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin.
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Le collectif indépendantiste, dont le chef Christian Tein devait tenir une conférence de presse mercredi matin, a toujours démenti être à l’origine des troubles. Dans un communiqué, la CCAT a déploré l’opération des forces de l’ordre mercredi, qui « vient créer plus de doutes et de tensions au sein de la population », et dénoncé une « provocation ». Elle a demandé à ses militants de « rester mobilisés » dans l’attente de nouvelles consignes.
« Arrestations abusives »
L’Union calédonienne (UC, pro-indépendantiste) a, de son côté, dénoncé des « arrestations abusives, alors que des responsables locaux anti-indépendantistes et des miliciens criminels se pavanent en toute liberté », et elle « demande des explications immédiates sur toutes ces arrestations gratuites ».
Des bureaux de la CCAT, situés dans un bâtiment qui abrite également le siège de l’UC, ont fait l’objet d’une perquisition, a confirmé le procureur.
Dans le camp des anti-indépendantistes, deux mouvements, Les Loyalistes et le Rassemblement-Les Républicains, ont « pris acte » de l’opération visant la CCAT, rappelant que le retour à l’ordre constituait « la seule condition de retour à un dialogue sincère et constructif ».
« Nous avons été entendus », s’est, pour sa part, réjoui Nicolas Metzdorf, le député sortant (Renaissance) de la deuxième circonscription de Nouvelle-Calédonie. « Après un mois de désarroi, le retour à l’Etat de droit apparaît possible », a-t-il ajouté, « ceux qui n’ont jamais dénoncé les responsables de la CCAT et qui n’ont eu que le renoncement comme maître mot doivent se sentir bien seuls aujourd’hui ».
Dans le centre-ville de Nouméa, un vaste périmètre de sécurité a été mis en place devant le siège de la gendarmerie, où se déroulent les gardes à vue. Les rues alentour ont été fermées à la circulation. De nombreux magasins, des banques et plusieurs administrations ont décidé de fermer leurs portes en fin de matinée – « pour des questions de sécurité », a expliqué un commerçant –, provoquant d’importants embouteillages.