Ciel gris, température glaciale, dans la banlieue de Kiev. Un pick-up noir sans immatriculation se gare en bordure d’un terrain de sport. « Détective » – son nom de guerre ukrainien – soulève la bâche à l’arrière du véhicule et extrait un petit avion profilé couleur ciel. Une envergure d’à peine deux mètres sur deux, un poids plume grâce aux matériaux composites avec lesquels il est fabriqué, un moteur minimaliste et une hélice en bois. On pourrait croire à une jolie maquette, mais ce drone baptisé « Rubaka » est devenu une arme-clé pour Kiev.
Capable de voler jusqu’à 500 kilomètres, cet engin kamikaze peut atteindre des cibles militaires en Russie, loin derrière la ligne de front. La charge d’explosifs ne dépasse pas 10 kg. « Mais si vous en envoyez dix simultanément, cela peut causer des dégâts importants », souligne « Détective », l’un des développeurs du Rubaka qui appartient à l’unité du renseignement militaire ukrainien – le GUR – qui manie ces drones kamikazes.
Le Rubaka n’est que le plus petit d’entre eux. D’autres, bien plus grands, comme le Morok (3 m sur 2,5 m) et le Liutyi (4 m sur 7 m) peuvent voler beaucoup plus loin, jusqu’à 1 000 kilomètres pour le premier, et bien au-delà pour le second, ce qui met Moscou à portée de frappe de Kiev. D’autres modèles, avec une portée encore plus importante sont en développement, parallèlement à une montée en puissance des cadences de production.
L’objectif est de produire 30 000 de ces drones « DeepStrike » [frappes en profondeur] en 2025, a annoncé le ministre de la défense ukrainien, Rustem Umerov, le 5 décembre. « Ces systèmes ne constituent pas seulement une réponse aux besoins actuels du champ de bataille, mais représentent aussi une pierre angulaire de notre stratégie de défense à long terme », a précisé M. Umerov.
Infrastructures énergétiques ciblées
L’Ukraine a commencé à développer ces drones d’attaque dès 2022, et a acquis une vraie supériorité dans ce domaine, selon les experts. Ses premiers succès ont été médiatisés à partir de 2023, comme lors de la frappe sur un dépôt d’essence dans la ville de Sotchi sur les rives de la mer Noire.
Depuis, les Ukrainiens ont multiplié leurs offensives en Russie, ciblant en priorité les infrastructures énergétiques. Fin juin, le président Volodymyr Zelensky affirmait ainsi que plus de trente raffineries avaient été bombardées, jusque dans les régions du Tatarstan et du Bashkortostan, plus de 1 000 kilomètres à l’est de Moscou.
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