Chaque semaine, L’Epoque paie son coup. Ça, c’est la théorie. En pratique, ça marche moins bien quand l’invité passe derrière le zinc pour s’occuper des consos. Lou Trotignon nous accueille un mercredi de février à La Mutinerie, emblématique bar queer de Paris, à deux pas du Centre Pompidou. Il nous dégotte une canette de Coca-Cola et se sert une bière sans alcool. Le lieu, sans chichis et à l’esthétique punk, se présente comme « un espace festif, politique et culturel ». Un « safe space » où l’humoriste, qui se définit comme « un mec trans non binaire », se sent « comme à la maison ». La preuve : « Pour ton truc avec Le Monde, tu fais comme chez toi, hein ! », lui lance Samia, l’une des barmaids. On a donc poussé la moitié des tables et des chaises au fond de la salle pour faire la photo.
Pour Lou Trotignon, 26 ans, « c’est ici que tout a commencé » : son entrée dans le milieu LGBT+, ses débuts dans le stand-up. Il y a travaillé comme serveur par intermittence, y a vécu ses premières amours queer… Mais essayons de rendre ce portrait un peu moins foutraque et foisonnant que « La Mut’ » (pour les habitués). On reprend dans l’ordre. Son seul-en-scène, Mérou (tous les vendredis à La Nouvelle Seine), cartonne, porté par le bouche-à-oreille et une chronique hilarante sur France Inter, en octobre 2023. Plusieurs dates sont aussi prévues à Lyon, Marseille, Lille ou encore Bruxelles.
Un point « 30 millions d’amis » s’impose. Le mérou est un gros poisson très moche qui affiche un air ahuri permanent. Jusque-là, absolument rien avoir avec Lou Trotignon, joli garçon à la silhouette androgyne et au regard pétillant. Les mérous femelles ont également la capacité de se transformer en mâles au cours de leur existence. Déclaré femme à la naissance, Lou Trotignon n’était pas « méga d’accord » avec ça. « [Enfant], j’avais décidé que je vivrais jusqu’à 100 ans et qu’à 50 ans je deviendrais un homme. (…) Quand j’ai [découvert le mérou], j’étais là : “C’est trop moi !” », s’enthousiasme l’humoriste dans son spectacle.« C’est OK de douter »
Il y raconte son parcours de transition – des premières interrogations à la prise de testostérone en passant par les remarques déplacées sur son physique – et partage différents pans de son intimité – si vous n’êtes pas adepte de BDSM (bondage, domination, sadomasochisme), vous ne verrez plus les enseignes Leroy Merlin de la même façon. Seul stand-upeur trans en France, Lou Trotignon précise d’emblée : « Il y a autant de récits de transition que de personnes trans. Je ne veux pas que ma parole devienne LA parole. »
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