Comme bien des confrères, Bernard Lannes est un céréalier et aviculteur en colère. Mais la raison de son courroux dépasse la seule situation de l’agriculture française. L’ancien président de la Coordination rurale (CR) – de 2010 à 2022 –, présent à la création, il y a trente ans, de ce syndicat hostile à la cogestion de l’agriculture entre l’Etat et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), dénonce la dérive d’un « syndicat en train de perdre sa spécificité apartisane et apolitique ». Des événements du Salon de l’agriculture, suivis à distance depuis son exploitation du Gers, il ne retient que du désagréable.
Les déclarations au Figaro, le 25 février, d’Emmanuel Macron, associant l’organisation au Rassemblement national (RN), au motif que « des décideurs locaux de la Coordination rurale sont engagés de manière très officielle au Rassemblement national ». Le déjeuner entre la direction du syndicat et Jordan Bardella – « De mon temps, on ne l’aurait jamais fait, ni reçu en grande pompe Marine Le Pen ou François Ruffin [député insoumis de la Somme] ». Et le basculement, selon lui, de l’équilibre interne du syndicat : « C’est le Lot-et-Garonne et ses représentants qui prennent la main sur le mouvement. Il faudra en parler vraiment à l’issue de toutes ces gesticulations. »
Dans la ligne de mire de l’ancien patron de la CR, un homme et ses troupes : Serge Bousquet-Cassagne, président de la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne depuis 2013, une des trois dirigées en France par le syndicat. Beaucoup, parmi les observateurs du monde paysan, ont vu sa main dans l’accueil musclé réservé au chef de l’Etat samedi 24 février, jour d’inauguration du salon.
Coup de force
Les « bonnets jaunes » de la CR n’étaient pas seuls dans le coup de force, où se mêlaient aussi des représentants des syndicats majoritaires, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, et quelques agitateurs associés à l’extrême droite. Mais Emmanuel Macron s’en est saisi pour, dans la foulée, établir un lien entre la CR et le RN, une association que les organisations majoritaires établissent depuis des années et que démentent le syndicat comme le parti.
Il faut dire que Serge Bousquet-Cassagne est pris, ces derniers temps, d’un réel enthousiasme lepéniste. Cet adepte des phrases et actions-chocs a brigué sans succès une place sur la liste du RN aux élections européennes de juin, selon nos informations. Et n’a pas entendu les appels de la direction du syndicat à mettre en sourdine ses opinions politiques.
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