L’incarcération du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, avec des dizaines d’élus et de responsables municipaux, constitue sans aucun doute un coup d’Etat. Mais un coup d’Etat à l’envers. Le coup n’est pas porté cette fois par les militaires contre le gouvernement, mais il est ourdi par le pouvoir contre le dernier espace qui reste de la démocratie : les élections à compétition ouverte. En décidant de faire éliminer son principal rival de la compétition électorale par le moyen de la justice, [Recep] Tayyip Erdogan a franchi le Rubicon.
A la tête d’un régime hyperprésidentiel taillé sur mesure, il a pris la décision d’aller au bout de l’autocratie, quoi qu’il en coûte pour le pays et probablement pour lui. Il a révélé par cet engagement qu’il n’avait plus l’espoir de gagner les élections par les moyens un tant soit peu démocratiques. C’est le destin de la plupart des autocrates qui sont restés trop longtemps au pouvoir.
Les procureurs préparaient une action pénale contre le maire d’Istanbul depuis plus de deux ans. Les médias aux ordres du pouvoir révélaient régulièrement les chefs d’accusation envisagés. Ils avaient aussi lancé une campagne de suspicion sur la validité du diplôme universitaire de l’édile, qui avait conduit à l’ouverture d’une autre enquête judiciaire. En octobre 2024, deux maires d’arrondissement d’Istanbul, membres, comme Imamoglu, du Parti républicain du peuple (CHP), ont été arrêtés. L’arrestation d’une dizaine d’élus municipaux issus de la même formation a suivi.
C’est pour contrer ces attaques que le président du CHP, Özgür Özel, a décidé d’organiser, le 23 mars, pour la première fois dans l’histoire de la Turquie, une primaire de son parti en vue de la présidentielle avec comme seul candidat le maire d’Istanbul. Le but était de renforcer sa légitimité en lui donnant le statut de candidat officiel pour l’élection présidentielle, qui aura probablement lieu avant 2028.
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