
Le ministre de l’économie Eric Lombard a confirmé, mercredi 4 juin, la suspension du dispositif d’aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov’, mais a dit vouloir le rétablir « avant la fin de l’année ». « Il y a à la fois un encombrement en ce moment et un excès des fraudes (…) d’où la suspension », a-t-il déclaré, lors des questions au gouvernement au Sénat.
« Mais naturellement, une fois que cela sera réglé, le processus pourra continuer », a ajouté le ministre, en précisant ultérieurement, devant la commission des affaires économiques du Sénat, que le gouvernement avait « bien l’intention de rétablir le fonctionnement avant la fin de l’année ».
Il n’a toutefois pas précisé la date de suspension du dispositif, alors que plusieurs sources gouvernementales ont évoqué ces derniers jours le mois de juillet. Pour les dossiers complets et déjà validés, l’instruction et le paiement se poursuivront normalement, avait assuré mardi le ministère du logement au Monde.
La ministre chargée du logement, Valérie Létard, a également confirmé dans un communiqué « la fermeture temporaire cet été des dépôts des dossiers pour la rénovation globale individuelle et pour les travaux individuels d’isolation ou de changement de système de chauffage ». Ils pourront être de nouveau déposés « d’ici la fin du mois de septembre », a-t-elle promis.
Dans l’intervalle, ceux déjà présentés, s’ils sont « non frauduleux », seront « instruits » et donneront lieu à paiement « dans les meilleurs délais », a assuré la ministre.
Pas un « problème budgétaire »
Tandis que le gouvernement est engagé dans des efforts d’économie de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour redresser les finances publiques de l’Etat en 2026, Eric Lombad a assuré devant les sénateurs de la commission des affaires économiques que la suspension du dispositif ne relevait pas d’un « problème budgétaire ».
« Il ne s’agit pas de faire une économie en cachette comme ça, en bloquant le système », a-t-il dit, reconnaissant l’importance du dispositif aussi pour les artisans. « On a prévu au budget 3,6 milliards [en 2025] et on a dépensé pour le moment 1,3 milliard », a-t-il détaillé. Le nombre de logements rénovés avec des subventions de MaPrimeRénov’a triplé au premier trimestre par rapport à la même période de 2024, alors que le budget pour 2025 avait été réduit.
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De nombreuses collectivités territoriales, dont la Meuse, l’Ardèche, la métropole de Lyon, ont toutefois déclaré avoir épuisé leur enveloppe budgétaire MaPrimeRénov’destinée aux ménages modestes et très modestes pour la rénovation globale de leurs logements. Sept d’entre elles ont écrit début mai au gouvernement pour alerter sur une « situation de blocage ».
Le ministre a estimé mercredi qu’il y a « un vrai problème, lié notamment au fait que la censure a bloqué le sujet pendant un certain temps. Et il y a eu, ensuite, une avalanche de demandes qui fait que les services sont encombrés et ont besoin d’un peu de temps pour rétablir leur situation au plan opérationnel ». En outre, « l’instabilité des règles (…) permet aussi aux fraudeurs de s’organiser », a-t-il fait valoir, évoquant « 16 000 dossiers suspicieux » soit « 12 % du stock ».
Selon les informations du Monde, la fraude évitée à MaPrimeRenov’, grâce aux contrôles, s’est élevée à 229 millions d’euros en 2024. La fraude suspectée atteint, elle, quelque 50 millions d’euros en rythme annuel et 10 millions d’euros de fraude subie (litiges en cours).
« Non-sens total » pour les associations
Le collectif Rénovons, qui réunit des associations du secteur du logement et des fédérations de professionnels de la rénovation, a dénoncé dans un communiqué le « non-sens total » de la décision gouvernementale. Une pause de MaPrimeRénov’ « briserait l’élan des ménages engagés dans un parcours de rénovation énergétique qui espèrent pouvoir améliorer » leur confort et réduire leurs factures d’énergie, estime-t-il.
Le ministère du logement prépare des annonces « courant juin pour mieux gérer l’afflux de dossiers et détecter les fraudeurs en amont ». Le gouvernement espère notamment s’appuyer sur le texte de loi, adopté par le Parlement fin mai, sur la lutte contre les fraudes aux aides publiques.
« Suspendre une aide indispensable aux ménages modestes… parce qu’elle marche ! Ce gouvernement bascule dans l’absurde. Rappel : pendant que vous faites vos comptes d’apothicaires, 10 000 personnes meurent de froid chaque année et 5 000 de chaud… », a, de son côté, dénoncé Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation pour le logement.
« Les entreprises artisanales du bâtiment ont besoin de visibilité et de stabilité, en particulier dans ce contexte économique compliqué où leur activité et leur trésorerie sont fragilisées », rappelle également, Jean-Christophe Repon, président de la Capeb, le syndicat des artisans du bâtiment.
Auditionnée à l’Assemblée nationale le 21 mai, Valérie Létard a mis en avant une augmentation des coûts de travaux de rénovation observés depuis fin 2024 « sans lien avec l’inflation ». « Ce qui va nécessiter des mesures de refroidissement », avait-elle prévenu, évoquant les pistes d’une possible baisse des plafonds de travaux, le recentrage sur les logements les moins performants énergétiquement (étiquetés E, F et G) ou encore la fin du bonus accordé pour la sortie de passoire énergétique.