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Eva Illouz ou l’économie des sentiments

by Marko Florentino
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Le 7 octobre, Eva Illouz était chez elle, à Paris. Elle a d’abord cru à un des multiples épisodes conflictuels entre Gaza et Israël, avant que son plus jeune fils, étudiant à Stanford, ne l’appelle des États-Unis pour lui dire que l’oncle et la tante d’une de ses amies avaient été assassinés. « C’est là que j’ai compris que quelque chose de grave se passait », raconte-t-elle.

Trois semaines après les massacres du Hamas, sortait Le Capital sexuel (Seuil), coécrit avec la sociologue Dana Kaplan. Comme tous ses livres depuis la parution de Pourquoi l’amour fait mal (Seuil), en 2012, son nouvel ouvrage était attendu, et les demandes d’interview se faisaient nombreuses. Mais, tout à coup, assurer cette promotion lui est apparu « totalement dérisoire ».

Depuis son premier livre, qui est aussi son préféré, Consuming the Romantic Utopia (University of California Press, 1997, non traduit), la sociologue Eva Illouz s’intéresse à la manière dont le capitalisme façonne les émotions. Née à Fès, au Maroc, en 1961, dans une famille juive, arrivée à l’âge de 10 ans en France, Eva Illouz a enseigné à l’université hébraïque de Jérusalem, à Princeton, aux Etats-Unis, à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris, parle trois langues – français, anglais et hébreu – et est traduite dans une vingtaine d’autres. C’est en Allemagne, où ses livres se sont écoulés à 250 000 exemplaires, qu’elle connaît le plus de succès.

« Elle a une place assez singulière, explique le sociologue Arnaud Esquerre, qui donne un cours avec elle à l’EHESS. C’est l’une des rares sociologues qui ait cette dimension internationale vraiment exceptionnelle. » Cette notoriété lui a ouvert les colonnes des journaux du monde entier pour s’exprimer, cette fois en tant que citoyenne (c’est-à-dire « avec le droit de se tromper », note-t-elle), sur la politique israélienne, dont elle est une critique tenace.

Passer par l’intime pour saisir un système

Eva Illouz reçoit chez elle, dans l’Ouest parisien, avec le jazz de la radio en fond sonore et du thé. Après une trentaine d’années passées en Israël, elle a choisi de revenir en France il y a trois ans. Avec le temps, elle s’est rendu compte que c’était dans ce pays que « le cœur était plus léger ». Les gens qui la connaissent utilisent les mêmes mots pour la décrire : attachante, gaie, très exigeante, aimant plaire tout en n’ayant pas peur de déplaire, capable de changer d’avis, généreuse.

Eva Illouz, chez elle, à Paris, le 20 janvier 2024. Eva Illouz, chez elle, à Paris, le 20 janvier 2024.

Dans son salon, elle écoute avec intensité, prend parfois un moment pour réfléchir à une réponse juste, se livre, partagée entre l’élan de parler sincèrement, et donc forcément d’elle, et la volonté de contrôler son image. Longtemps, elle a eu le sentiment d’être placée dans une « niche féminine » : dans les colloques, on ne l’invitait que pour parler de l’amour, elle qui estime que ses analyses portent autant sur le capitalisme et la modernité que sur l’intime.

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