Le crime organisé est un fléau qui gangrène d’abord, et de manière largement invisible, nos sociétés, poussant même les plus solides Etats de droit dans leurs derniers retranchements et menaçant frontalement les démocraties les plus avancées, comme, récemment, nos voisins de Belgique ou des Pays-Bas, aux prises avec la Mocro Maffia. [Aux Pays-Bas, le procès de cette organisation s’est déroulé dans un climat d’intimidation contre la justice, les dirigeants du pays et la presse.]
Créées par une loi du 9 mars 2004 destinée à renforcer la poursuite et le jugement des faits relevant de la grande criminalité organisée, les huit juridictions interrégionales spécialisées de France (JIRS) ont aujourd’hui 20 ans. Chacune est dotée d’une compétence couvrant un ressort élargi et elles ont pour vocation, par l’emploi de techniques d’investigation renforcées, et avec l’appui de services d’enquête spécialisés, d’identifier les réseaux de la grande criminalité internationale, et d’en poursuivre et juger les acteurs.
Pendant deux décennies, confrontées à l’émergence de nouveaux réseaux extrêmement structurés et mouvants, les JIRS ont su, à chaque fois, s’adapter. Que ce soit face à des réseaux de trafiquants transnationaux déversant des tonnes de produits stupéfiants sur le territoire national – avec leur cortège d’assassinats et d’enlèvements sur fond de règlements de comptes –, des braquages d’une violence extrême, des escrocs en bande organisée siphonnant les finances publiques par millions d’euros, ou encore des réseaux de passeurs gangrenant les littoraux nationaux. Chaque année, les JIRS interpellent et jugent des centaines de criminels et saisissent des millions d’euros d’avoirs illégaux.
Violence et volumes accrus
Or, depuis plusieurs années, les JIRS sont confrontées à une montée en puissance continue de formes de criminalité particulièrement violentes. Cette explosion est directement liée au déferlement, sur notre pays, d’une vague venue d’Amérique du Sud, qui vise à inonder la France, et à travers elle toute l’Europe, de produits stupéfiants aussi meurtriers que désormais bon marché. Au port du Havre, les saisies de cocaïne ont plus que doublé entre 2019 et 2022. Dans les Antilles, fin février 2024, en à peine plus d’une semaine, ce sont 8,3 tonnes cumulées de cette drogue qui ont été interceptées ou découvertes. Issue des cartels, cette marée montante en adopte sans scrupule les codes sur notre territoire.
L’argent du crime organisé, quant à lui, converge de plus en plus rapidement vers des réseaux de blanchiment parfaitement structurés, et le développement des cryptoactifs rend le suivi des fonds d’autant plus complexe.
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