Des centaines d’élus et d’usagers des lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) et Paris-Clermont-Ferrand se sont rassemblés, mardi 15 avril en milieu de journée, à leur arrivée à la gare d’Austerlitz à Paris pour dire leur « exaspération » face à l’état dégradé de ces lignes qu’ils jugent oubliées. Mais ils sont redescendus dans leurs régions respectives « en proie à la colère ». Dénonçant « quarante ans d’inaction » sur ces deux lignes, nombre d’entre eux avaient pris plus tôt dans la matinée l’un des deux « trains de la colère », au départ de Cahors et de Clermont-Ferrand, pour gagner la capitale.
« Face à une mobilisation inédite (…) le ministre des transports choisit l’humiliation et la mascarade », fustigeait dans un communiqué François Kuss, directeur de cabinet du président du conseil départemental du Lot, Serge Rigal (divers gauche), au terme d’un rendez-vous au ministère qui a finalement tourné court.
La ville de Limoges, s’exprimait dans le même sens : « Montés à Paris avec détermination, chacun redescend dans sa province en proie à de la colère. A défaut d’oxygène, la lente asphyxie de nos territoires semble inéluctable », a fustigé la municipalité dirigée par Emile Roger Lombertie (Les Républicains) dans un autre communiqué.
« Non seulement le ministre n’a pas daigné recevoir la délégation, mais le plus humiliant, c’est qu’en plein milieu du tour de table le ministre a diffusé un communiqué de presse, publiant les conclusions d’une réunion à laquelle il n’avait pas participé », a expliqué la ville, M. Kuss précisant à l’Agence France-Presse (AFP) que les élus de la délégation étaient sortis de la réunion au ministère « après une dizaine de minutes ».
« Des rames hors d’âge »
Ils avaient quitté leurs villes, avec des usagers et des représentants d’associations, très tôt le matin pour rallier Paris-Austerlitz. « Tous unis pour une desserte ferroviaire dynamique respectueuse des usagers et de nos territoires », pouvait-on lire sur une banderole déployée en gare de Cahors, a constaté l’AFP.
« Nous, usagers, parlementaires, élus locaux, forces vives d’Occitaine, d’Auvergne, du Limousin, et du Centre-Val de Loire exprimons notre colère et notre ras-le-bol face aux rustines qu’on nous octroie à défaut d’un véritable plan d’urgence à la hauteur des enjeux », a déclaré devant la presse le président de l’association Urgence Ligne POLT, Jean-Claude Sandrier.
Au passage du train à Limoges, où une centaine de manifestants mécontents ont scandé « ras-le-POLT » dans le hall de la gare, le maire de la ville (LR), Emile Roger Lombertie, a estimé « plus facile aujourd’hui pour un étudiant d’aller faire ses études à Bruxelles, à Berlin, à Copenhague ou ailleurs, que d’aller entre Limoges et Clermont-Ferrand ».
A Clermont-Ferrand, environ 130 personnes ont pris le train, a constaté une journaliste de l’AFP. A son bord, Jean-Philippe Ollier, responsable du projet de réhabilitation du parc Cataroux de Michelin, à Clermont-Ferrand, est lui venu « défendre la capacité de pouvoir aller à Paris de manière fiable », un enjeu pour les travailleurs de nombreuses entreprises.
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« Les choses se sont aggravées depuis quarante ans avec des rames hors d’âge et un temps de trajet qui a augmenté de quarante minutes », a expliqué Patrick Wolff, le président de l’association Objectif Capitales – qui réclame un objectif de « moins de trois heures » pour rejoindre Paris contre trois heures et quinze minutes actuellement.
Vendredi, le ministre des transports, Philippe Tabarot, s’était rendu à Clermont-Ferrand « pour rappeler l’engagement de l’Etat et annoncer des mesures correctrices et de long terme » pour ces lignes de trains d’équilibre du territoire (TET), selon un communiqué du ministère, rappelant qu’il promettait de réunir « dans les prochains mois » le comité de suivi des dessertes ferroviaires du POLT.

Promesse d’investissement
Les lignes POLT (plus de 700 kilomètres de voie ferrée) et Clermont-Paris (420 kilomètres) transportent respectivement 2,6 millions et 1,9 million de voyageurs chaque année dans des trains Intercités. La SNCF a lancé, en 2018, un programme de modernisation de ces lignes, qui restent cependant « encore équipées d’installations techniques hétérogènes et vieillissantes », reconnaît la compagnie ferroviaire.
« En modernisant ces deux axes stratégiques », la SNCF prévoit « des investissements sans précédent », souhaite rendre « trajets plus rapides, plus fiables et plus accessibles ». Selon le ministère des transports, les « investissements significatifs réalisés depuis 2018 » sur les deux lignes incluent 1,9 milliard d’euros à l’horizon 2027 pour la ligne POLT et près d’un milliard pour Paris-Clermont. « Il s’agit des deux plus gros chantiers conduits cette année par SNCF Réseau », souligne-t-il mardi dans un communiqué.
« Une régénération partielle qui pour nous n’est pas suffisante », dénonce Jean-Noël Boisseleau, vice-président de l’association Urgence Ligne POLT. Pour lui, il faudrait « 2,5 à 3 milliards d’euros supplémentaires pour que, vraiment, on reparte pratiquement à neuf ».