Les journalistes connaissent bien son petit rire modeste, semblable en toutes circonstances. François Ecalle, 65 ans, est le spécialiste incontesté des finances publiques. Celui que tous les médias, experts ou engagés, sollicitent pour décrypter le jargon de Bercy. Celui qui pointe les angles morts des discours sur la dépense, les incohérences des réformes, et les choix politiques qui sous-tendent des décisions en apparence budgétaires. Sans faire de politique – « Jamais, jamais ! », jure-t-il.
L’homme est à la fois un ancien de Bercy et de la Cour des comptes – où il était conseiller maître honoraire –, deux maisons rivales qui se disputent l’expertise budgétaire. Il en a conservé des réflexes de neutralité de grand commis d’Etat, capable de pondre une note en deux heures sur à peu près n’importe quel sujet. Les agriculteurs sont dans la rue ? Le voilà qui dégaine une fiche sur les politiques de soutien au secteur agricole. Le débat revient sur la fiscalité du logement ? Un article de son blog recense aussitôt les aides et les compare à celles de nos voisins. Ses fiches en deux ou trois parties – on ne se refait pas – alimentent le site Fipeco.fr (sorte d’encyclopédie des finances publiques pour les nuls, consultée par 45 000 visiteurs par mois), qu’il a créé il y a huit ans après avoir quitté la rue Cambon.
Est-ce à ce titre que Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, l’a reçu dans son bureau du sixième étage à Bercy, vendredi 15 mars ? C’est la première fois que François Ecalle est invité dans le bureau d’un ministre des finances, et que cela figure à l’agenda officiel.
« Que feriez-vous à ma place ? », a demandé le ministre. L’intéressé a répété ce qu’il dit aux journalistes : « Les retraites, c’est un quart de la dépense publique, il faut les sous-indexer. » Celles-ci suivent aujourd’hui le niveau de l’inflation, contrairement aux salaires qui les financent, ce qui a coûté 14 milliards d’euros cette année. En l’entendant, Bruno Le Maire a souri. L’exécutif ne veut pas entendre parler d’une contribution des retraités, surtout à l’approche des élections européennes du 9 juin.
« J’ai aussi proposé mon idée de bouclier sanitaire », précise-t-il. Un dispositif pour contenir les dépenses de l’Assurance-maladie sans pénaliser les ménages modestes, en plafonnant le reste à charge. Sa marotte depuis quinze ans, portée en son temps par Martin Hirsch, alors haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, en 2007. Bruno Le Maire a écouté poliment. Mais le ministre voulait plutôt parler de la prise en charge des maladies chroniques, sur lesquelles le gouvernement espère faire quelques économies. Le tout aura duré vingt minutes.
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