La Maison des métallos, à Paris, se remplit progressivement, ce mercredi 7 février. Entre 350 et 400 personnes sont venues passer une soirée studieuse dans cet ancien haut lieu du syndicalisme. Sur scène, François Ruffin, éternelle veste grise et chemise blanche, s’apprête à discourir de son dernier ouvrage, Mal-travail. Le choix des élites (Les Liens qui libèrent, 224 pages, 15 euros), paru le jour même, dans lequel il dresse un diagnostic du mal-être au travail en France, fruit, selon lui, des stratégies néolibérales qui ont abouti à la montée du Rassemblement national (RN).
Aux côtés du député La France insoumise (LFI) de la Somme, deux femmes qui lui donnent la réplique, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, et la secrétaire nationale de la CFDT, Isabelle Mercier. Familiarisé avec les turpitudes de LFI, un fan de François Ruffin sait qu’il aurait été impossible d’organiser le même débat avec le fondateur du parti, Jean-Luc Mélenchon, qui entretient des relations houleuses avec la CGT. La centrale le soupçonne de vouloir mettre les partenaires sociaux à la botte de LFI, ce qui a le don d’exaspérer Sophie Binet. La relation est tout autre avec François Ruffin, qu’elle a croisé à plusieurs reprises.
Ce soir-là, l’élu de la Somme joue la complicité. « Syndiquez-vous », lance-t-il au public, en souriant à ses deux débatteuses. Voilà dix-huit mois que le député écrit sa partition, posant, sans le dire, ses jalons pour l’élection présidentielle de 2027, et prenant garde de ménager Jean-Luc Mélenchon, prêt à déclencher la contre-offensive.
Crime de lèse-majesté
Le dernier ouvrage de François Ruffin sur le travail, où se mêlent témoignages de terrain et passages académiques, lui a ouvert une importante séquence médiatique. Le député a enchaîné les plateaux de France Inter, de « Quotidien » (TMC), des « Grandes Gueules » (RMC), avec en point d’orgue le JT de TF1. Jeudi 1er février, l’élu a déroulé son argumentaire devant 5,87 millions de personnes, une audience dix fois plus élevée que celle de Jean-Luc Mélenchon quelques jours plus tôt, le 28 janvier, sur BFM-TV. Un crime de lèse-majesté pour le patriarche.
Jusque-là, les soutiens de ce dernier faisaient de l’accès à TF1 « l’argument massue » pour dire qu’« il n’y a que lui qui peut » et étouffer toute ambition interne. Symptôme d’un certain énervement, ni le compte officiel de LFI ni les cadres de la direction n’ont retweeté l’intervention du député. « C’est quand, la dernière fois que [les députés LFI de Seine-Saint-Denis] Clémentine Autain ou Alexis Corbière ont relayé quelque chose du mouvement ? », rétorque le député « insoumis » des Bouches-du-Rhône Manuel Bompard, premier lieutenant du triple candidat à la présidentielle, faisant le lien entre l’élu et les autres « frondeurs » du mouvement.
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