Un SMS nous intime de ne pas sonner à la porte. Motif : les enfants dorment, et on aimerait beaucoup que cela dure, pour pouvoir discuter entre grandes personnes. Au bout de la rue de cette jolie bourgade des Yvelines commence la campagne. Le soleil inonde les champs en ce samedi de février. On se déchausse à l’entrée en chuchotant, avant de faire connaissance autour d’un café. Claudia, 31 ans, et Pierre-Edouard, 34 ans, qui ont requis l’anonymat, sont parents de deux enfants, Romy, 4 ans, et Oscar, 3 ans, dont nous ne ferons pas la rencontre tout de suite. Ce « portrait de famille » ne pourrait pas être réalisé en leur compagnie : ils ne connaissent pas encore toute leur histoire. Pour les deux petits qui dorment de l’autre côté des grandes portes vitrées du salon, Claudia et Pierre-Edouard sont « papa » et « maman », point.
L’histoire de Romy a pourtant commencé avant que sa mère ne rencontre son père. Début 2019, Claudia tombe enceinte, « par accident » comme on dit. A l’époque, elle est agente de mannequins en CDI, vit à Paris. Depuis peu, elle est célibataire. Jamais l’éventualité d’une grossesse ne lui a traversé l’esprit : depuis 2016, elle souffre d’endométriose sévère avec une atteinte de la fertilité. Un gynécologue l’a avertie qu’elle devrait passer par un parcours de procréation médicalement assistée si elle désirait un jour un enfant. D’ailleurs, « [elle] ne voulai[t] pas d’enfant tôt » : « Je trouvais que ça faisait du bruit dans le train, je ne les aimais pas plus que ça », avoue-t-elle en riant. La jeune femme d’alors 26 ans fréquente brièvement quelqu’un, déjà père de deux enfants. La surprise nichée au creux de son ventre est le fruit de cette aventure passagère, avec cet homme qu’elle nomme « le géniteur de [s]a fille ». Aucun des deux n’envisage une coparentalité autour de cette grossesse.
Un choix s’offre à elle. « Soit j’avorte, et je prends le risque de ne plus pouvoir avoir d’enfant. Soit je le garde », résume Claudia aujourd’hui. Elever un enfant en solo ne faisait pas non plus partie de ses projets. « Mais ma mère m’a élevée seule après avoir quitté mon père, qui souffrait d’alcoolisme. Comme ma tante avec ma cousine, et ma grand-mère avec ses quatre enfants, parce que mon grand-père est décédé jeune… C’est une matriarchie chez nous ! », plaisante la jeune femme. Avec sa « situation correcte », son appartement parisien, sa mère et ses amis à ses côtés, elle décide de garder le bébé. Le « géniteur » est mis au courant et renonce à reconnaître l’enfant. Tous deux sont d’accord : si un jour cet enfant veut savoir d’où il vient, l’identité de ce père biologique sera révélée.
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