Conjurer son âge, c’est l’embrasser. Joe Biden a plusieurs options pour répondre aux doutes sur ses facultés physiques et mentales. La première est la pire : la colère. Elle ressemble à un aveu d’impuissance. Il l’a exprimée après la publication du rapport du procureur spécial Robert Hur, le 8 février. En marge de ce document exonérant le président, faute d’éléments suffisants, dans l’enquête sur les documents classifiés qu’il avait conservés, le magistrat s’était permis des remarques hors champ juridique sur ses pertes de mémoire. Leur mention dans un document officiel a cristallisé une préoccupation évidente des électeurs américains. Selon le dernier sondage ABC-Ipsos, 86 % d’entre eux jugent le démocrate trop âgé, à 81 ans, pour postuler à un second mandat.
Régulièrement, Joe Biden répond à ces allusions par une plaisanterie. « On ne dirait pas, je sais, mais ça fait un moment que je suis dans le coin, a-t-il dit le 12 février, tout sourire, lors d’un discours devant des élus locaux. Ça, je m’en souviens. » Les applaudissements furent nourris. Mais ils n’exorcisent pas le problème. Les partisans du président tentent de vanter son expérience et son bilan. Mais son taux d’approbation médiocre sur l’économie, malgré 14 millions d’emplois créés depuis 2021, montre un décalage persistant, comme si l’absence de vitalité du président empêchait de reconnaître celle du pays. Il reste enfin une option : suggérer qu’il vaut mieux être vieux comme Joe Biden qu’inculpé à 91 reprises comme Donald Trump. La présidentielle vue comme une course d’obstacles, une élimination par défaut.
La seule réponse définitive à ce doute généralisé consisterait à ne pas se représenter. Au lieu de cela, Joe Biden a choisi de faire courir un risque considérable – une éventuelle victoire de Donald Trump – à son parti, à son pays et aux nations ancrées dans le camp libéral, alliées des Etats-Unis. Non pas que sa candidature soit un échec programmé, loin de là. Mais elle crée une insécurité autour de sa santé, au nom d’une idée contestable : celle qu’aucun autre démocrate ne serait mieux placé.
Bond générationnel
Dans ce genre de spéculations, on peut trouver autant d’arguments dans un sens que dans l’autre. Une certitude pourtant : il est faux de dire qu’il n’existe pas d’alternatives. Elles se dessineraient vite en cas de désistement volontaire ou contraint du président actuel. On peut citer entre autres Josh Shapiro, le gouverneur de Pennsylvanie, Etat-clé sur la carte électorale ; son homologue du Michigan, Gretchen Whitmer ; celui de Californie, Gavin Newsom. Personne ne s’impose naturellement, mais chacun dispose d’atouts évidents et permettrait aux démocrates d’effectuer un bond générationnel.
Il vous reste 54.79% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.