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Julian Assange est libre. Le fondateur de WikiLeaks comparaissait, mercredi 26 juin, devant un tribunal des îles Mariannes du Nord, territoire américain du Pacifique. Conformément à un accord conclu avec la justice américaine, le lanceur d’alerte australien, poursuivi pour avoir publié des centaines de milliers de documents confidentiels américains, a plaidé coupable, devant le tribunal fédéral de Saipan, d’obtention et de divulgation d’informations sur la défense nationale.
« J’ai encouragé ma source », la militaire américaine Chelsea Manning, à l’origine de cette fuite massive, « à fournir du matériel qui était classifié », a reconnu mercredi à la barre un Julian Assange fatigué mais visiblement détendu. Le fondateur de WikiLeaks n’était plus poursuivi que pour un seul chef d’accusation, relatif à « l’obtention et la divulgation d’informations sur la défense nationale ». Il a été condamné à une peine de soixante-deux mois de prison déjà couverte par cinq années passées en détention provisoire. « Vous pourrez sortir de cette salle d’audience en homme libre », a déclaré la juge Ramona V. Manglona.
Vêtu d’un costume noir et d’une cravate ocre, les cheveux gominés, M. Assange, 52 ans, a pris ses deux avocats dans ses bras et dédicacé un livre pour un de ses soutiens. Il a ensuite quitté le tribunal sous l’objectif des caméras, sans faire de déclaration. « Aujourd’hui est un jour historique. Il met un terme à quatorze années de batailles judiciaires », s’est félicitée l’une de ses avocats, Jennifer Robinson.
Julien Assange a besoin de « récupérer »
Julian Assange s’est ensuite envolé à bord d’un jet privé qui s’est posé mercredi soir à Canberra, en Australie, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse. Ses cheveux blancs ramenés en arrière, l’Australien a levé le poing en sortant de l’avion, puis a marché à grands pas sur le tarmac pour aller embrasser sa femme, Stella, en la soulevant du sol, puis son père.
Au cours d’une conférence de presse, Mme Assange a ensuite expliqué que son mari avait besoin d’intimité et de temps pour se rétablir après plus de cinq ans passés dans une prison de haute sécurité à Londres. « Il a besoin de temps, il a besoin de récupérer et c’est tout un processus », a-t-elle dit, semblant au bord des larmes.
« Je vous demande, s’il vous plaît, de nous donner de l’espace, de nous donner de l’intimité, de nous laisser trouver notre place, de laisser notre famille être une famille avant qu’il puisse parler à nouveau, au moment de son choix », a-t-elle dit, ajoutant « Julian a besoin de récupérer, c’est la priorité. Et c’est un fait que Julian défendra toujours les droits humains, défendra toujours les victimes, car il est comme ça. »
Un avocat de Julian Assange, Jen Robinson, a confié que le fondateur de WikiLeaks avait parlé au premier ministre australien, Anthony Albanese, lorsque l’avion a atterri, lui disant « qu’il lui avait sauvé la vie ». Pour sa comparution, le lanceur d’alerte était accompagné de Kevin Rudd, ancien premier ministre australien et actuel ambassadeur d’Australie aux Etats-Unis. « Conformément à l’accord de plaider-coupable, Assange a interdiction de retourner aux Etats-Unis sans autorisation », a annoncé le ministère de la justice américain dans un communiqué.
« Le travail de WikiLeaks se poursuivra »
Stella Assange a, par ailleurs, lancé un appel aux dons pour payer les 520 000 dollars (485 000 euros) que son époux doit rembourser au gouvernement australien pour l’affrètement de l’avion qui l’emmène en Australie. Il n’a « pas été autorisé à emprunter un vol commercial », a-t-elle précisé sur X.
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Le tribunal des îles Mariannes du Nord a été choisi en raison du refus de M. Assange de se rendre sur le continent américain et de la proximité du territoire avec l’Australie. Les Nations unies ont salué cette libération, estimant que l’affaire avait soulevé « une série de préoccupations en matière de droits humains ».
Julian Assange « a énormément souffert dans sa lutte pour la liberté d’expression, la liberté de la presse », a souligné Barry Pollack, l’autre avocat de Julian Assange. « Nous croyons fermement que M. Assange n’aurait jamais dû être inculpé en vertu de la loi sur l’espionnage, a-t-il ajouté. Le travail de WikiLeaks se poursuivra et M. Assange, je n’en doute pas, continuera avec force son combat en faveur de la liberté d’expression et de la transparence. » L’ancien vice-président américain Mike Pence a qualifié l’accord de « fausse justice » qui « déshonore le service et le sacrifice des hommes et des femmes [des] forces armées [américaines] ».
L’épilogue d’une saga de quatorze ans
L’accord met un terme à une saga de près de quatorze ans. Il est intervenu alors que la justice britannique devait examiner, les 9 et 10 juillet, un recours d’Assange contre son extradition vers les Etats-Unis, approuvée par le gouvernement britannique en juin 2022.
Il se battait pour ne pas être livré à la justice américaine, qui le poursuit pour avoir rendu publics à partir de 2010 plus de 700 000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan.
Parmi ces documents figure une vidéo montrant des civils, dont un journaliste de l’agence Reuters et son chauffeur, tués par les tirs d’un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007. Visé par dix-huit chefs d’accusation, M. Assange encourait en théorie jusqu’à cent soixante-quinze ans de prison en vertu de la loi sur l’espionnage. Sa complice, Chelsea Manning, à l’origine de la fuite massive de documents, a été condamnée en août 2013 à trente-cinq ans de prison par une cour martiale, mais l’ancien président américain Barack Obama avait commué sa peine à sept ans de prison au terme desquels elle a été libérée.
Le fondateur de WikiLeaks avait été arrêté par la police britannique en avril 2019, après sept ans passés dans l’ambassade d’Equateur à Londres pour éviter son extradition vers la Suède dans une enquête pour viol, classée sans suite la même année. Depuis, les appels se sont multipliés pour que l’actuel président américain, Joe Biden, abandonne les charges contre lui. L’Australie a présenté une demande officielle en ce sens en février.
Dans la première réaction officielle des Etats-Unis à l’accord, le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller, a déclaré que s’agissant d’une affaire judiciaire en cours il ne lui semblait « pas approprié de faire de commentaire à ce stade ».