Visage poupin, cheveux rose pastel et casque avec oreilles de chat, l’« e-girl » s’adresse face caméra à ses abonnés depuis son fauteuil rose de gameuse, assorti aux néons qui décorent sa chambre. Mais ne nous fions pas aux apparences, l’e-girl – pour electronic girl (dans le sens « technologique ») – n’est pas qu’un archétype tapi derrière nos écrans. Dans l’usine à profils qu’est TikTok, le mot-dièse #egirl compte déjà 2,5 millions de publications.
A l’origine, ce terme définit au début des années 2000 les jeunes femmes qui diffusent en direct sur Internet leurs parties de jeux vidéo. Problème : la communauté des gameurs, plutôt masculine et parfois sexiste, donne une connotation péjorative au terme, qualifiant les e-girls de femmes qui cherchent à attirer l’attention des hommes. Rapidement, les « cam girls », qui streament sur Twitch dans le but de promouvoir leur compte privé sur des plates-formes comme OnlyFans (où, sur abonnement, elles publient du contenu pornographique), se sont approprié ce terme.
L’e-girl sud-africaine Belle Delphine a par exemple vendu, en 2019, des bouteilles remplies de l’eau de son bain à des « gameurs assoiffés » pour la modique somme de 30 dollars l’unité, quand d’autres proposent à des hommes de jouer avec eux contre rémunération.
Le feu croisé des cyber-harceleurs
Ces agissements des « cam girls » mettent des bâtons dans les roues des vraies streameuses, qui ne sont pas prises au sérieux, toujours questionnées sur leur intention réelle et leur passion supposée pour les jeux – comme si les femmes ne pouvaient pas nourrir une passion sincère pour les jeux vidéo. Certaines affrontent le feu croisé de cyber-harceleurs dès qu’elles montrent le moindre bout de peau.
Il faut attendre l’année 2019 et l’explosion de TikTok pour que cette posture devienne une esthétique revendiquée. Les femmes concernées se réapproprient un terme perçu comme injurieux pour en faire une force. Cette année-là, « e-girl style » fait partie des dix tendances modes les plus cherchées sur Google, selon Business Insider.
La popularité de cette expression est aussi liée à un fait divers sordide : le meurtre de l’e-girl américaine Bianca Devins, 17 ans, égorgée en 2019 par un jeune homme rencontré en ligne, avec lequel elle avait noué une relation amicale. Il a ensuite diffusé des photos du corps sans vie de sa victime sur les réseaux. Cette tragédie a permis de mettre en lumière le fait que ces jeunes femmes sont régulièrement menacées en ligne, avec des prolongements parfois funestes dans la vie réelle.
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