Epais dossiers sous le bras et valise à roulettes à la main, l’infirmière Kezban Zengin Tanriverdi se rend chez Juan Marques et Béatrice Rossier pour la première fois ce matin de décembre dans un village de la Drôme. L’escalier qui mène au logement est étroit. Plusieurs chats, perchés sur des placards, et le chien, Noisette, accueillent la nouvelle venue. Dans le salon transformé en chambre, Kezban Zengin Tanriverdi salue sa future patiente, allongée sur le canapé.
Agée de 65 ans, Béatrice Rossier est fatiguée et inquiète. On vient de lui diagnostiquer un cancer avancé et elle ne veut pas aller à l’hôpital. Kezban Zengin Tanriverdi est là pour lui administrer son médicament et lui permettre de suivre son traitement de chimiothérapie à la maison en faisant le lien avec l’hôpital et les autres professionnels de santé. Dans les prochaines semaines, cette prestataire de santé à domicile sera là pour l’accompagner. « Mon rôle est de faire du lien et de mettre en confiance ces personnes. »
Etre atteint d’un cancer et être hospitalisé chez soi… La tendance, bien que très marginale en France (environ 2 % des personnes malades sont concernées, selon la Fédération des prestataires de santé à domicile), se développe lorsque la chimiothérapie peut être administrée par voie orale ou par intraveineuse. En 2020, vingt et un mille trois cents patients ont ainsi été pris en charge simultanément à leur domicile. Mais ces dispositifs, qui demandent la coordination de nombreux intervenants, reposent aussi sur les prestataires de santé à domicile, un métier de l’ombre pourtant essentiel.
Acteurs de la santé de proximité
Peu reconnus par le monde médical, ces professionnels – qui n’ont pas tous un diplôme de santé et interviennent aussi bien pour de l’apnée du sommeil que pour l’installation d’un lit médicalisé – attendent depuis des années d’être mieux considérés.
« Notre vrai combat, c’est la reconnaissance par les pouvoirs publics, car l’équilibre économique de nos entreprises, la plupart du temps des petites structures, est précaire même si nous sommes devenus indispensables au système de soins, explique Nicolas Balmelle, porte-parole de l’Union des prestataires de santé à domicile indépendants (Upsadi). Nous n’avons même pas été invités au Conseil national de la refondation alors que nos salariés sillonnent le territoire en permanence. Lorsqu’on parle de déserts médicaux, nous nous pouvons intervenir à tout moment, partout dans le pays. »
En décembre, le syndicat a bien pensé avoir enfin obtenu l’attention du ministre de la santé. « Nous avons été reçus par un conseiller du ministre Aurélien Rousseau. Il a semblé à l’écoute, comprendre nos problématiques, poursuit Nicolas Balmelle. Mais… » Le ministre a démissionné quelques jours après. « Il va falloir recommencer. » L’autre organisme représentatif de la filière, la Fédération des prestataires de santé à domicile, plaide aussi pour définir un statut et leur reconnaissance dans le code de santé publique comme des acteurs de la santé de proximité.
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