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La CIJ estime que la « violation » des obligations climatiques constitue « un fait internationalement illicite engageant la responsabilité » des Etats

by Marko Florentino
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Yuji Iwasawa (le troisième en partant de la droite), prononce un discours à la Cour internationale de justice, le 23 juillet 2025 à La Haye, aux Pays-Bas.

Il s’agit d’un avis certes consultatif mais inédit, destiné à influencer la jurisprudence mondiale. Les Etats qui violent leurs obligations climatiques commettent un acte « illicite » et pourraient se voir réclamer des réparations par les pays les plus affectés, a conclu, mercredi 23 juillet, la Cour internationale de justice (CIJ).

La plus haute juridiction de l’ONU, basée à La Haye, établit à l’unanimité dans cet avis, initialement demandé par des étudiants sur l’archipel de Vanuatu, une interprétation juridique du droit international, dont des législateurs, avocats et juges du monde entier peuvent désormais se saisir pour changer les lois ou attaquer en justice les Etats pour leur inaction climatique.

L’avis est « un jalon historique pour l’action climatique », s’est félicité le ministre du climat de Vanuatu, Ralph Regenvanu, à l’issue de l’audience sur les marches du Palais de la paix, se disant convaincu qu’il inspirerait « de nouvelles actions judiciaires » dans le monde.

La dégradation du climat, causé par les émissions de gaz à effet de serre, est une « menace urgente et existentielle », a déclaré le juge Yuji Iwasawa, président de la Cour, lors d’un discours de deux heures.

La Cour a rejeté l’idée, défendue par les grands pays pollueurs, que les traités climatiques existants – et notamment le processus de négociation des COP annuelles – étaient suffisants. Les Etats ont « des obligations strictes de protéger le système climatique », a-t-il argué. En accord avec les petits pays insulaires, il a confirmé que le climat devait être « protégé pour les générations présentes et futures » – alors que les grands pays pollueurs refusaient absolument de reconnaître légalement les droits d’individus pas encore nés.

Lien de causalité

La partie la plus conséquente de l’avis, et qui suscitera le plus de résistance chez les pays riches, découle selon la Cour de ces obligations : les compensations dues aux pays ravagés par le climat. La « violation » des obligations climatiques par un Etat constitue « un fait internationalement illicite engageant sa responsabilité », a déclaré Yuji Iwasawa. « Les conséquences juridiques résultant de la commission d’un fait internationalement illicite peuvent inclure (…) la réparation intégrale du préjudice subi par les Etats lésés sous forme de restitution, de compensation et de satisfaction », a également dit le président de la CIJ.

Mais la Cour place la barre haut : un lien de causalité direct et certain doit être établi « entre le fait illicite et le préjudice » ; un lien certes difficile à établir devant une juridiction, mais « pas impossible » pour autant, concluent les quinze juges de la CIJ.

Il s’agit du cinquième avis unanime de la Cour en quatre-vingts ans, selon l’ONU.

Il faudra du temps pour que les juristes digèrent pleinement l’avis de 140 pages, et encore plus pour voir si des tribunaux nationaux s’en emparent. Mais d’ores et déjà de nombreuses voix, expertes et militantes, soulignent le caractère historique du texte.

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C’est « une victoire historique pour la justice climatique », a réagi, auprès de l’Agence France-Presse (AFP), l’ancien rapporteur spécial de l’ONU pour les droits humains et l’environnement, David Boyd. L’interprétation par la Cour des obligations des Etats « sera un catalyseur pour accélérer l’action climatique ».

« Pour la première fois, la plus haute cour du monde a établi que les Etats avaient une obligation légale de prévenir tout préjudice climatique, mais aussi de le réparer pleinement », a commenté l’une des juristes les plus expertes du sujet à la London School of Economics, Joana Setzer. L’avis, selon elle, « renforce la base juridique de la justice climatique ».

« Décision majeure »

Les climatologues les plus déçus par l’action politique mondiale sont du même avis. « C’est une décision majeure », dit, à l’AFP, Johan Rockström, directeur d’un des instituts européens les plus reconnus sur le climat, le Potsdam Institute for Climate Impact Research. Chaque pays peut « être tenu pour responsable » devant les tribunaux, même s’il n’est pas signataire des traités de l’ONU, ajoute-t-il.

Pour le climatologue américain Michael Mann, l’avis tombe à pic alors que Donald Trump continue à démanteler l’édifice construit par ses prédécesseurs démocrates pour réduire les gaz à effet de serre. L’avis de la Cour « fait des Etats-Unis, et de quelques pétro-Etats comme l’Arabie saoudite et la Russie, un pays hors-la-loi qui menace nos peuples et notre planète au nom des profits des énergies fossiles », dit-il à l’AFP

L’avis sera certainement « testé » en justice aux Etats-Unis, prédit pour l’AFP le professeur à l’école de droit du Vermont, Pat Parenteau. « Cela ne réussira pas avec la Cour suprême actuelle, mais ce n’est pas permanent ».

Nombre d’ONG et militants attendaient avec impatience cet avis, frustrés par l’inaction ou la lenteur des grands pays pollueurs à réduire leur combustion de pétrole, de charbon et de gaz.

Deux questions

La Cour a dû organiser les plus grandes audiences de son histoire, avec plus de 100 nations et groupes prenant la parole, en décembre au Palais de la paix.

La bataille du climat investit de plus en plus les tribunaux, qu’ils soient nationaux ou internationaux, pour forcer une action climatique d’une ampleur que les négociations au niveau politique n’arrivent pas à déclencher – a fortiori dans une période où Europe et Etats-Unis ralentissent ou reculent sur leurs engagements.

Les COP annuelles ont certes permis d’infléchir les prévisions de réchauffement, mais encore très insuffisamment pour tenir l’objectif limite de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, fixé par l’accord de Paris de 2015. Le monde en est déjà à au moins 1,3 °C de réchauffement.

Le droit international se construit avec de tels avis, a expliqué à l’Agence France-Presse (AFP) Andrew Raine, du département juridique du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). « Ils clarifient la manière dont le droit international s’applique à la crise climatique, ce qui a des répercussions sur les tribunaux nationaux, les processus législatifs et les débats publics. »

Le Monde avec AFP



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