
La finale en simple entre les blonds Lebrun n’a pas eu lieu. Mais les championnats d’Europe de tennis de table à Linz, en Autriche, ont été frappés du sceau de la fratrie française. Dimanche 20 octobre, Alexis et Félix Lebrun sont devenus champions d’Europe en double. Vainqueurs expéditifs de la paire suédoise Anton Kallberg et Truls Moregard, tous deux médaillés d’argent par équipes aux Jeux de Paris (11-2, 11-6, 11-8), les frères Lebrun ont assumé leur statut de têtes de série numéro 1. Et moins de deux heures plus tard, l’aîné, Alexis, longtemps dans l’ombre de son brillant cadet, a signé un doublé magistral, en s’imposant en simple face à l’Allemand Benedikt Duda (11-5, 11-8, 11-6, 11-2).
« Je ne réalise pas, j’ai fait un tournoi de fou, avec un niveau auquel je n’ai jamais joué. Je ne m’attendais pas à ça », a commenté, incrédule, le Français sur La Chaîne L’Equipe. Assurant s’être « senti de mieux en mieux » au fil de la compétition, le 19e joueur mondial peinait à expliquer sa réussite : « C’est un peu inexplicable. Je n’ai jamais joué comme ça de ma vie. Avant, j’étais capable d’avoir un niveau très haut durant un match, là je l’ai fait pendant toute une compétition, une compétition rêvée. » A 21 ans, il devient le troisième Français champion d’Europe, après Emmanuel Lebesson, en 2016, à Budapest, et Jacques Secrétin, en 1976, à Prague.
En début d’après-midi, une fois la balle de match remportée en double, Alexis et son cadet, Félix, 17 ans, ont mimé une mini-séance de boxe, en guise de nouvelle célébration. Sans doute leur action la moins maîtrisée de la journée, tant ils ont dominé leurs adversaires en finale. « On y a réfléchi juste avant, et on n’y est pas vraiment arrivé. On a voulu innover, mais on s’est foirés », a dit, amusé, Félix. Un peu plus de deux mois après un été magique ponctué par deux médailles de bronze aux Jeux olympiques de Paris – pour Félix, en simple, et par équipes –, le duo a décroché un titre qui échappait aux Bleus depuis vingt-quatre ans et le sacre du duo Patrick Chila et Jean-Philippe Gatien (à Brême, en Allemagne, en 2000).
En bronze, lors de la précédente édition des championnats d’Europe à Munich, en Allemagne – ils avaient alors 18 ans et 15 ans –, les deux frères ont commencé la finale pied au plancher. A l’image d’Alexis, intouchable depuis le début des championnats d’Europe, les Français n’ont laissé aucune chance à la paire suédoise.
« C’est fantastique, c’est juste incroyable. On a trop kiffé toute la compète », a savouré Alexis Lebrun, interrogé sur le diffuseur de la compétition. Lui qui s’était associé avec Simon Gauzy en double pour les Jeux olympiques a retrouvé son frère, en vue de ces championnats d’Europe, avec la ferme intention d’« aller chercher un premier titre européen. Et on y est arrivé », a-t-il insisté, alors qu’il lui restait une finale à jouer.
« C’est un truc de fou »
Car le week-end des frères Lebrun n’était pas terminé. Si Félix a été éliminé en simple au stade des quarts de finale, battu par l’Allemand Benedikt Duda, 28e mondial, son frère aîné a poursuivi sa route, et mis au supplice, dimanche, le Suédois Truls Moregard, pour s’offrir une première finale continentale personnelle. Avant de réaliser le doublé, dominant en finale le bourreau allemand de son frère, qui avait renversé Félix samedi (4-3) au terme d’une rencontre ayant vu le cadet des Lebrun, déçu, perdre ses nerfs et jeter sa raquette au sol, entraînant un carton rouge.
« Tout de suite, j’ai vu que je pouvais être disqualifié [pour la finale du double], donc j’ai eu très peur », a relaté le joueur après coup, confessant « un peu de gêne, de honte, ce n’est pas ce que j’aime faire, ni l’image que j’ai envie de donner ». Mais s’ils ont sanctionné l’adolescent français – qui n’obtiendra pas de points sur ce tournoi, et qui devra rembourser un écran abîmé par son geste –, les juges arbitres lui ont laissé disputer la finale avec son frère. Et exulter après leur titre.
« C’est incroyable, c’est un moment qu’on voulait vivre, et le vivre avec Alexis, c’est top. On a profité du match, et vivre ce titre est génial », s’est réjoui le double médaillé de bronze olympique de Paris 2024. Lui qui était arrivé à Linz en affichant son intention de repartir d’Autriche avec un titre a raconté s’être remobilisé après sa désillusion en simple. Et il était au premier rang pour encourager son aîné pour sa finale de simple, avant de partager une émouvante Marseillaise sur le podium.
« Il y a beaucoup de plus beaux jours de ma vie en ce moment », a conclu Alexis Lebrun, après son doublé, évoquant « des émotions folles ». « Je sais que je viens de réaliser quelque chose d’incroyable, mais je ne me rends compte de rien. J’ai commencé le “ping” pour me faire kiffer et je me retrouve double champion d’Europe. C’est un truc de fou. » Nouveaux héros du sport tricolore, les frangins Lebrun sont désormais champions d’Europe. Et par deux fois pour l’aîné des deux.