Dans l’Union européenne comme en France, la transition écologique peine à résister aux crises énergétique et agricole ainsi qu’à la montée des populismes. Neil Makaroff, directeur du cercle de réflexion européen Strategic Perspectives, montre que les Etats membres sont plus que jamais fragmentés sur le climat.
Dans un contexte tendu de crises agricole, énergétique et de guerre en Ukraine, les pays européens poursuivent-ils leur transition écologique ?
Au moment où l’Union européenne accélère sa transition écologique grâce au Pacte vert, le débat politique sur le climat s’est fortement durci et les Etats sont fragmentés. Contrairement à 2019, le climat n’apparaît plus comme une priorité transversale du prochain agenda stratégique de l’Union, qui sera adopté par le Conseil, après les élections européennes, en juin. Il est relégué au second plan en raison de la guerre en Ukraine, mais surtout des manœuvres de l’extrême droite et de la droite, qui ont fait du Pacte vert un bouc émissaire à la suite de la crise agricole.
Certains Etats membres reculent. La Suède, par exemple, qui était pourtant à l’avant-garde, a supprimé le soutien aux véhicules électriques et à l’éolien offshore, et a renoncé à ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les transports et l’agriculture à l’horizon 2030. Le gouvernement [libéral conservateur, soutenu par l’extrême droite] table sur une hausse des émissions en 2024, pour la deuxième année consécutive, une première depuis vingt ans. De même, les divisions de la coalition allemande ont fait échouer la mise en place de normes de rénovation énergétique outre-Rhin. L’Italie, quant à elle, a redirigé une partie de son plan de relance pour financer la construction d’infrastructures gazières afin de devenir le hub gazier de l’Europe.
D’autres pays développent-ils, au contraire, leur politique climatique ?
La Pologne, depuis les élections législatives d’octobre 2023 [qui ont vu une coalition pro-européenne accéder au pouvoir], connaît un nouvel élan en faveur du climat : le pays a annoncé travailler à sa sortie du charbon et à une accélération très importante des énergies renouvelables. Toujours grâce à ces dernières, l’Espagne s’apprête à sortir du charbon en 2025. Le Portugal l’a fait en 2021, huit ans avant sa date officielle, et l’arrivée récente au pouvoir d’un gouvernement plus conservateur ne devrait pas changer cette dynamique.
De manière générale, l’Union déploie massivement les renouvelables et surtout le solaire, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place. En 2023, 73 gigawatts [GW, solaire et éolien confondus] ont été installés dans plusieurs pays du continent – du jamais-vu –, et même dans la Hongrie de Viktor Orban.
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