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« La Jeune Femme à l’aiguille », une fable grinçante et grotesque

by Marko Florentino
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Karoline (Victoria Carmen Sonne) dans « La Jeune femme à l’aiguille », de Magnus von Horn.

SÉLECTION OFFICIELLE – EN COMPÉTITION

A peine lancée, la compétition cannoise entre dans le dur avec le troisième long-métrage du Suédois Magnus von Horn, fiction d’époque doublée d’un petit sommet de sordide. Le film commence à la façon d’un roman vériste, focalisé sur la misère de ses personnages. A Copenhague, au lendemain de la première guerre mondiale, Karolina (Vic Carmen Sonne), ouvrière dans un atelier de confection, sombre dans une détresse noire, et une soupente crasseuse, en l’absence d’un mari disparu au front. Celui-ci réapparaît sous les traits d’une gueule cassée, au moment mal choisi où la tisseuse, enceinte de son patron, cherchait à s’en faire épouser.

Mais ses plans échouent, et celle-ci se retrouve désormais sans emploi avec un bébé sur les bras. Elle sonne alors à la porte d’une épicière, Dagmar (Trine Dyrholm), qui, en sous-main, place les nourrissons abandonnés en familles d’accueil. Karolina se fait embaucher comme nourrice auprès d’elle, devient son alliée, et découvre son effarant manège pour « écouler » la marmaille indésirable.

Sur cette base, inspirée d’un retentissant cas criminel danois du début du XXsiècle, le film aurait pu donner, au choix, un déchirant mélodrame ou un terrifiant film d’horreur. Magnus von Horn ne s’en remet pourtant pas plus à l’émotion qu’à la sensation. Il leur préfère les stridences d’une fable grinçante, virant volontiers au grotesque. Dès l’ouverture, proche de l’installation arty, des visages torturés et comme déformés se succèdent à l’image, qui annoncent l’humanité en tous points défigurée qui sort de la Grande Guerre.

Exagération sonore

Le film déroule scrupuleusement son petit manuel de descente aux enfers, enchaînant, sur un mode purement cumulatif, les actes veules aux accès de violence et aux poussées de malaise, sans jamais les élever à hauteur de tragédie ou d’effroi. Il faut dire que l’héroïne n’aide pas beaucoup, traversant le drame le regard vide, avec une passivité et une apathie qui semblent justifier tous les passages en force. L’« aiguille » à quoi le titre l’associe prend au fil du drame plusieurs occurrences : celle du métier à tisser, celle à tricoter servant la tentative d’avortement sauvage, enfin la seringue avec laquelle, en désespoir de cause, elle s’injectera de la morphine.

Lire l’entretien (2016) : Article réservé à nos abonnés Magnus von Horn : « Explorer la part sombre de chacun »

La photographie en noir et blanc convoque par moments les contrastes maudits de l’expressionnisme, mais se maintient plus volontiers encore dans une certaine grisaille propre à la photographie ou à la peinture réalistes. C’est plus largement avec une forme d’austérité scandinave que semble dialoguer l’esthétique du film, que Von Horn endosse pour mieux la malmener, afin de rendre explicites ses fondements puritains et hypocrites.

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