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La jeune fille au cinéma ou les ravages d’un mythe

by Marko Florentino
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Elles étaient belles et jeunes à l’écran. Elles semblaient heureuses, affranchies et libres. Elles avaient 13 ans, 14 ans, 15 ans, 17 ans, 22 ans. Elles incarnaient la jeunesse, le désir, l’indépendance. Et voilà que certaines, devenues adultes, racontent un piège. Flavie Flament, Vanessa Springora, Adèle Haenel, Charlotte Arnould, Judith Godrèche, Isild Le Besco n’appartiennent pas aux mêmes mondes, elles n’avaient pas le même âge, elles ne se connaissaient pas ou si peu, mais elles racontent une même histoire, celle d’un mensonge et d’une jeunesse mise en pièces.

Ces femmes ont, chacune à leur manière, disséqué ce qui leur est arrivé. Vanessa Springora, dans Le Consentement (Grasset, 2020), décrivait le piège du pédocriminel (ici, Gabriel Matzneff) qui fait de sa victime une complice – « Tu m’aimais ». La journaliste Hélène Devynck dépeint dans Impunité (Seuil, 2022), sur l’affaire PPDA, un système qui fait des jeunes femmes des poupées et les réduit au silence, dont elle a été elle-même victime. Judith Godrèche, en réalisant en 2023 sa série Icon of French Cinema (Arte), revient sur son cheminement d’enfant-objet dans les mains du cinéaste Benoît Jacquot à femme qui reprend les rênes du récit.

Toutes mettent en lumière la solidarité de ces « familles » – du cinéma, des médias, de l’art – qui protègent leurs grands hommes. « Ce n’est pas ce à quoi on nous oblige qui nous détruit, mais ce à quoi nous consentons qui nous ébrèche ; ces hontes minuscules, de consentir journellement à renforcer ce qu’on dénonce », écrivait Lola Lafon dans Chavirer (Actes Sud, 2020), une autre histoire de jeune fille abusée.

L’ingénue en quête de liberté

Depuis les débuts de #metoo en France, beaucoup de femmes qui s’expriment racontent un roman d’apprentissage à l’issue tragique : celui d’une fille, de la prépubère à la jeune adulte, qui croise le chemin d’un homme beaucoup plus âgé qui, au prétexte de l’initier à un art ou à un métier, la possède contre son gré. Ce fantasme s’est décliné dans toute la littérature et le cinéma jusqu’à la caricature de la gamine nubile en veste de velours, frange dans les yeux et roman de Sade dans la poche. Aujourd’hui, ces filles, devenues adultes, le dénoncent. Elles n’ont pas consenti. Elles n’ont pas eu le choix.

C’est ce qu’écrivait en 2017, dans The Atlantic, l’actrice et réalisatrice américaine Brit Marling, 41 ans, qui a fait partie des nombreuses comédiennes à accuser le producteur Harvey Weinstein d’agressions sexuelles : « Ce qui vous incite en partie à rester assise sur cette chaise, dans cette pièce, à endurer le harcèlement ou les abus d’un homme en position de pouvoir est que, en tant que femme, vous vous êtes rarement imaginé connaître un autre sort. Dans la plupart des romans que vous avez lus, des films que vous avez regardés, des histoires qu’on vous a racontées depuis votre naissance, les femmes connaissent une fin tragique. » Car la figure de la jeune fille est un pilier de la culture et irrigue nos imaginaires.

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