LETTRE DE LONDRES

A deux jours des élections législatives britanniques du 4 juillet, il est déjà possible de décerner la palme de la campagne la plus décalée. Elle revient sans conteste au Parti libéral-démocrate, quatrième force politique du Royaume-Uni, crédité d’environ 11 % des votes, avec une mention spéciale pour son chef de file, Ed Davey, qui a porté la campagne à bout de bras, de raquettes ou de rames pendant six longues semaines.
Ce député de 58 ans, élu presque en continu depuis 1997 dans la circonscription de Kingston et Surbiton (dans le sud-ouest de Londres), aurait pu multiplier les interviews en costume cintré pour défendre une longue liste de propositions et tenter d’exister entre les deux mastodontes de la politique britannique, les conservateurs, au pouvoir depuis quatorze ans et presque assurés de perdre, ou les travaillistes, largement en tête dans les sondages.
Au lieu de mimer les propos robotiques de Rishi Sunak, le chef de file des tories, ou ceux, ultra-sérieux et technos de Keir Starmer, celui du Labour, Ed Davey, a opté pour un pari risqué mais remarqué : il a préféré multiplier les tours de manège, les séances de minigolf ou les cours de yoga paddle.
En matière de pure communication politique, ses « photo-op » – séances organisées pour les reporters photographes – furent un succès, lui permettant de se distinguer dans une campagne surtout notable pour son manque d’entrain.
Nombre d’électeurs ont au moins en tête le premier « splash » d’Ed Davey dans les eaux douteuses du lac Windermere, au cœur de la région touristique du Lake District, quand il a perdu l’équilibre sur son paddle. Ils auront peut-être souri à son autre bain forcé dans la Tamise, fin juin. D’autres auront admiré le flegme tout britannique du journaliste de Sky News qui l’a interviewé en caleçon de bain sur la pente très glissante d’un toboggan géant dans un parc aquatique du Sommerset. Ou le professionnalisme de sa collègue de la radio LBC, qui l’a interrogé sur l’Europe ou le système de santé britannique sans perdre son sérieux, dans un manège en forme de service à thé géant. Lundi 1er juillet, trois jours avant le scrutin, Ed Davey essayait même le saut à l’élastique, hurlant dans sa chute : « Tentez quelque chose que vous n’avez jamais osé avant, votez libéral-démocrate ! »
De vrais messages politiques dans ces tranches de rire
Ces cabrioles ont suscité quelques commentaires acides sur la politique spectacle et des comparaisons peu flatteuses avec l’ex-premier ministre Boris Johnson, critiqué pour ses pitreries. Mais Ed Davey l’a assuré à la BBC mi-juin : il prend « les électeurs et leurs préoccupations très au sérieux » ; ses tranches de rire véhiculent de vrais messages politiques.
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