
Souriante et pleine d’assurance, en pull à col roulé noir, pantalon ample en brocart et bottines à paillettes, la journaliste Shiori Ito, 35 ans, est habituée aux entretiens avec la presse. A l’occasion de la promotion de son documentaire Black Box Diaries, nommé aux Oscars et qui sortira le 12 mars en France, le visage de la jeune réalisatrice se crispe en entendant parler japonais. « Je préfère vous répondre en anglais », dit-elle poliment dans un anglais fluide, acquis durant ses études aux Etats-Unis et qu’elle pratique à Londres où elle vit aujourd’hui.
Depuis sa conférence de presse tenue il y a huit ans à Tokyo, où elle a témoigné du viol qu’elle a subi, vivre dans son pays lui est devenu insoutenable. Qu’une victime s’exprime à visage découvert est un fait historique au Japon. Son audace lui a valu un flot de haine et de menaces qui l’ont écartée de son travail, de sa famille et de ses amis. « Si j’avais pensé que je ne pourrais pas vivre à l’étranger, je ne me serais pas engagée dans un tel combat », confie-t-elle.
Jeune stagiaire au bureau de l’agence Reuters à Tokyo à l’époque des faits, elle accuse le journaliste Noriyuki Yamaguchi, biographe officiel et intime de l’ancien premier ministre Shinzo Abe, de l’avoir droguée au cours d’un dîner professionnel, le 3 avril 2015, puis traînée inconsciente à son hôtel pour la violer. L’homme lui faisait miroiter un poste à la grande chaîne privée TBS, dont il était alors le chef de bureau à Washington.
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