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La police de New York est finalement intervenue, mardi 30 avril en soirée, sur le campus de l’université américaine de Columbia, à New York, pour y déloger des étudiants et militants propalestiniens barricadés depuis la nuit précédente dans un bâtiment. Un camion de police avec une échelle s’est approché du bâtiment occupé, et des dizaines de policiers en tenue antiémeute ont grimpé pour atteindre une fenêtre afin de pénétrer dans le hall où s’étaient retranchées des dizaines de personnes depuis la nuit de lundi à mardi. L’ensemble des manifestants ont été évacués de l’établissement, affirment les médias américains.
Il était 21 h 30 heure locale (2 h 30 mercredi à Paris) quand les forces de l’ordre sont entrées sur l’immense campus de cette grande université du nord de Manhattan (37 000 étudiants au total), épicentre d’un mouvement national aux Etats-Unis en soutien à la cause palestinienne et contre la guerre que mène Israël dans la bande de Gaza contre le Hamas.
Sur leur compte Instagram, les manifestants du groupe Columbia University Apartheid Divest ont dénoncé une « invasion » du campus par les forces de l’ordre afin de les déloger du Hamilton Hall qu’ils ont renommé « Hind’s Hall » en hommage à une fillette de 6 ans tuée à Gaza. Ces étudiants et militants propalestiniens, qui exigent que Columbia coupe les ponts avec mécènes ou entreprises liés à Israël, avaient appelé lundi soir à « protéger le campement ».
« Prendre le contrôle d’un bâtiment est un petit risque comparé à la résistance quotidienne des Palestiniens à Gaza », avait ajouté le groupe.
La présidente de l’université réclame une présence policière jusqu’au 17 mai
« Nous ne serons pas délogés, sauf par la force », avait clamé lors d’un point presse Sueda Polat, une des leaders du mouvement. Dénonçant mardi une « escalade », le porte-parole de Columbia, Ben Chang, avait menacé d’expulser et de « renvoyer » de l’université ces étudiants en les accusant de « vandaliser, casser et bloquer les accès » du bâtiment.
Des dizaines de personnes, certains portant le keffieh, ont été interpellées et placées dans des bus de la police, a constaté l’Agence France-Presse (AFP). A l’extérieur du campus, la foule criait « Palestine libre ! ».
Un village de tentes qui a abrité jusqu’à 200 personnes a été installé mi-avril sur une pelouse du campus d’habitude ouvert aux passants mais qui avait été entièrement bouclé par la police mardi, laissant présager une intervention.
La présidente de Columbia, Minouche Shafik, avait demandé lundi aux occupants du campement de quitter les lieux, après cinq jours de négociations infructueuses. Durant la nuit, des manifestants se sont barricadés dans le bâtiment Hamilton et d’autres l’ont entouré en formant une chaîne humaine à l’extérieur, selon une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Columbia avait commencé dans la soirée à suspendre administrativement des étudiants.
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« Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix », a écrit Mme Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d’intervenir sur le périmètre de cet établissement privé de Manhattan. Elle a également réclamé une présence policière sur le campus new-yorkais au moins jusqu’au 17 mai. Cette présence a pour but « de maintenir l’ordre et de s’assurer qu’aucun campement ne soit établi », écrit-elle.
Une « mauvaise approche », estime Joe Biden
Le président des Etats-Unis, Joe Biden, « pense qu’occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche » et n’est « pas un exemple de manifestation pacifique », avait déclaré mardi John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.
La colère étudiante américaine se propage depuis deux semaines des grandes universités de la côte Est à celles de Californie en passant par le sud et le centre, rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam à la fin des années 1960.
Joe Biden « doit faire quelque chose » contre ces « agitateurs payés », a déclaré, mardi soir sur Fox News, le candidat républicain Donald Trump. « Il nous faut mettre fin à l’antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd’hui », a-t-il ajouté.
« Alors que l’université Columbia est plongée dans le chaos, Joe Biden est absent parce qu’il a peur de s’attaquer au sujet », a écrit, de son côté, sur le réseau X le chef républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, qui réclame depuis longtemps le départ de Minouche Shafik.
L’ONU a réagi mardi aux actions de la police sur des campus d’université aux Etats-Unis. « Je m’inquiète de ce que certaines mesures prises par les forces de l’ordre dans une série d’universités semblent avoir un impact disproportionné », a déclaré le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk. Il s’est dit troublé « par une série de mesures musclées prises pour disperser et démanteler les manifestations », soulignant que « la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique sont fondamentaux ».
Columbia avait assuré vendredi qu’elle ne ferait pas appel à la police de New York pour évacuer les tentes. Mais pour Joseph Howley, professeur à Columbia, l’ultimatum lancé par la présidente de l’université équivaut à « céder aux pressions politiques externes ».
Un accord entre l’université de Brown et les manifestants propalestiniens
La vague de protestation contre la guerre que conduit Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza est partie de Columbia, où cent personnes avaient été interpellées le 18 avril. Depuis, des centaines d’autres – étudiants, enseignants et militants – ont été interpellées, parfois arrêtées et poursuivies en justice dans plusieurs universités du pays. Les manifestations ont ravivé le débat tendu depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre, opposant liberté d’expression et allégations d’antisémitisme.
Au cours du week-end, plus de 350 personnes ont été interpellées dans plusieurs universités à travers le pays et le campement de Boston a été démantelé. A l’université du Texas, à Austin, un campement a aussi été démantelé et quelques personnes interpellées. Lundi, la police a utilisé des bombes lacrymogènes au poivre. « Aucun campement ne sera autorisé », a déclaré le gouverneur conservateur du Texas, Greg Abbott, sur les réseaux sociaux. L’avocat Paul Quinzi, qui défend à Austin des personnes détenues, a estimé pour l’AFP « à au moins quatre-vingts le nombre d’arrestations », qui « se poursuivent ».
En revanche, l’université Brown, au nord-est des Etats-Unis, a annoncé mardi soir le démantèlement d’un campement d’étudiants et de militants propalestiniens en échange de la promesse que le conseil d’administration se prononcera sur d’éventuels « désinvestissements de sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza ».