Voici, à glisser dans votre poche, les parutions récentes recommandées pour votre été par « Le Monde des livres ».
Roman. « Pour Sensi », de Serge Bramly
S’il se présente comme le récit d’une rupture douloureuse, Pour Sensi en raconte en réalité deux. La première, évidente, est celle qu’imposa au narrateur et auteur, Rivka, avec laquelle il partageait depuis plus de dix-huit mois un rendez-vous secret, à l’hôtel, le jeudi, et tout un arsenal de rituels faisant de leur liaison, pour les deux protagonistes, bien plus qu’une simple histoire adultérine. En pleine rue, avant de prosaïquement filer à la salle de sport, elle lui a annoncé qu’elle le quittait.
L’autre arrachement, que Serge Bramly a vécu au même moment, et qui se répète à intervalles réguliers sans perdre de sa violence, est produit par la publication d’un de ses textes. Cette fois-là, il espérait que la passion avec Rivka adoucirait cette période « épouvantable, qu[’il] redoute, qu[’il] déteste, qui [le] démolit ».
A travers ce récit retenu et beau de la « trahison » d’un amour, Serge Bramly explore les ressorts de son rapport à l’écriture, qui lui apporte tant de « volupté » – au moins à la mesure de la douleur infligée ensuite par la publication. Qui est même la seule manière qu’il ait trouvé de se sentir vivant, de ne pas se laisser envahir par le vide.
Avec beaucoup de subtilité et d’humour, il remonte jusqu’à son enfance, en Tunisie, avant l’arrivée en France, adolescent, pour comprendre d’où lui vient ce besoin de rendre le monde habitable par la littérature. Pour découvrir ce qu’il cherche à « ravauder » à travers elle – les dernières pages, laissant tomber tous les masques, éblouissent autant qu’elles étreignent le cœur. De ses phrases à la simplicité vivace, gorgées d’une intelligence jamais fate ni poseuse, il élabore une méditation dépourvue de solennité sur les pertes autant que les fictions qui nous constituent. Une trentaine d’années plus tard, il fait à la femme qui l’a quitté le superbe cadeau de la transformer, comme elle en avait rêvé, en un personnage de roman. R. L.
« Pour Sensi », de Serge Bramly, Le Livre de poche, 240 p., 7,90 €.

Histoire. « De colère et d’ennui », de Thomas Bouchet
Comment passaient les jours en 1832 ? Pour approcher la texture du passé, l’historien Thomas Bouchet s’est autorisé à l’invention, presque à la fiction. Presque, parce que des années de recherches l’ont rendu intime de la période. De quoi rendre exacte son imagination et véridiques les personnages qu’il crée, figures féminines dont il fait entendre les voix en cette année de barricades et de choléra. Tout les oppose, sauf peut-être les barrières qui les enferment. Troublant, sensible, l’ouvrage réalise son ambition en forme d’oxymore : « Forger et restituer quelques éclats de réel. » A. Lo.
Il vous reste 71.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.