Hissé sur un scooter, casque sur la tête, un jeune homme dépose sa dulcinée devant chez elle. Alors qu’elle l’embrasse pour faire diversion, elle met un gros coup de craie bleue au niveau du siège passager. Plus tard, quand son compagnon revient la chercher, elle remarque que la marque a disparu et demande, l’air de rien, s’il aurait, vraiment par hasard, véhiculé quelqu’un d’autre. A cette question, l’homme s’enfuit en courant, poursuivi telle une biche apeurée. Derrière cette saynète humoristique, postée sur TikTok en juillet 2022, se cache un couple de jeunes Colombiens, surnommés « los Toxicos de Buga », soit « les toxiques de Buga », du nom d’une ville proche de Cali, en Colombie. Suivis par plus de 732 000 abonnés sur la plate-forme, ils réalisent des capsules humoristiques sur le thème des relations amoureuses, en se moquant du rôle joué par la « Toxica ».
La « Toxique » est un archétype fréquemment dépeint dans la culture latino-américaine. Soit une femme répondant à une distribution classique des rôles, qui, face à un époux peu fidèle, adopte une stratégie pour sortir du lot : devenir toxique. Pour ce faire, elle met tout en œuvre pour montrer qu’elle a « du caractère ».
Une rapide recherche sur Spotify avec ce mot-clé suffit pour qu’apparaissent plusieurs centaines de résultats de titres à sa gloire. La chanteuse américaine Mariah Angeliq, d’origine portoricaine et cubaine, a fait de ce modèle son fonds de commerce en se l’appropriant telle une carapace protectrice, valorisant une forme de confiance en soi. Et une marque de vêtements espagnole a fait des sweats à l’effigie de cet archétype, sur lesquels est imprimé « Toxica pero bonita » (« toxique mais jolie »).
Continent dangereux
Mélodramatique reine des ragots (« que chismosa ! » – « quelle commère ! »), elle n’hésite pas à rentrer dans le lard de « son homme ». A la moindre suspicion d’infidélité, cette passive-agressive pose des questions épineuses avec assertivité. Ingénieuse, elle emploie des moyens extrêmes pour le piéger en l’espionnant au travail ou en fouillant dans son téléphone.
Parfois lourds à porter, les clichés peuvent aussi donner matière à l’autodérision. Ainsi, en 2023, pendant les Screen Actors Guild Awards, les actrices Jenna Ortega, héroïne de la série de Netflix Mercredi, et Aubrey Plaza, révélée par The White Lotus, qui ont toutes deux des origines latino-américaines, se retrouvent dans une situation tordante. En décernant un prix, elles tirent la tronche et se demandent pourquoi on les a mises ensemble, puisqu’elles n’ont vraiment « rien en commun ». Dans un article du Los Angeles Times, la chroniqueuse d’origine portoricaine Suzy Exposito relève un véritable pied de nez lancé au stéréotype attendu d’une femme latina, censée être chaleureuse, mais aussi agréablement « piquante ».
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