
Il est bien loin le temps où les responsables algériens parvenaient difficilement à réprimer une joie goguenarde devant le départ en 2022 des soldats français déployés au Mali dans le cadre de l’opération « Barkhane ». Dix-huit mois plus tard, l’humeur a radicalement changé à Alger où l’on s’alarme désormais ostensiblement de la tournure prise par le « néo-souverainisme » de la junte au pouvoir à Bamako.
Le vocabulaire employé par la presse algérienne vire même au catastrophisme. « Le Mali se dirige tout droit vers la guerre civile » (28 janvier), « Le spectre du chaos plane sur le Mali » (27 janvier) : les formules utilisées par Tout sur l’Algérie (TSA), journal en ligne habitué à distribuer les éléments de langage du régime algérien, ne font pas dans la nuance. Elles expriment une lourde anxiété officielle devant la fuite en avant militariste de Bamako, en particulier sa décision de résilier l’accord scellé en 2015 entre le pouvoir et les groupes armés (touareg et arabes) du Nord sous les auspices d’Alger.
Le compromis, destiné à mettre fin à la rébellion dans la région septentrionale du Mali, était une grande fierté de l’Algérie, l’emblème de son aptitude à imposer des médiations régionales. Son « soft power » diplomatique, qui se faisait alors sentir dans toute la sous-région, y avait trouvé un puissant aliment. Or, cet « accord d’Alger », ainsi qu’il a été baptisé, est aujourd’hui enterré par Bamako, qui n’avait auparavant cessé de le dénoncer comme trop favorable aux groupes rebelles.
La voie est désormais libre pour la généralisation de l’offensive militaire au nord du pays. La reprise en octobre de la ville de Kidal, bastion historique des insurrections touareg, avec l’aide des paramilitaires russes de Wagner, avait marqué un premier acquis de cette « restauration de l’intégrité territoriale » dont la suite demeure toutefois aléatoire.
Détérioration de la relation bilatérale avec le Mali
L’Algérie ne peut que s’inquiéter de l’éclatement d’un nouveau conflit échappant à son contrôle à proximité des 1 300 kilomètres de frontière partagés avec le Mali. Et ce d’autant que le régime de Bamako trahit une inimitié grandissante à l’endroit d’Alger, accusé d’« ingérences ». « Il y a une escalade au Mali dans un discours très anti-algérien, déplore l’ancien ministre et ambassadeur Abdelaziz Rahabi. C’est tout à fait nouveau. » « Nous assistons à une accélération de l’histoire au Mali et surtout à une accélération de la crise diplomatique avec l’Algérie », ajoute-t-il.
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