Qu’est devenue l’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur les plantes issues des nouvelles techniques génomiques (NGT) – ou « nouveaux OGM » ? Le rapport d’experts supervisé par l’agence a été finalisé, le 11 décembre 2023, et l’avis formel de l’Anses, fondé sur ce rapport, a été signé, le 22 janvier, par son directeur général, Benoît Vallet, et immédiatement transmis au gouvernement. L’Anses avait prévu de publier le rapport et l’avis au début de février – de source proche du dossier, la publication a été bloquée sur « pression politique ».
La date était importante : l’expertise de l’agence devait éclairer le choix des eurodéputés, qui ont voté, le 7 février, pour ouvrir la voie sous conditions à ces « nouveaux OGM » en Europe. En dépit de ce vote, le projet de la Commission européenne d’assouplir la réglementation est aujourd’hui encalminé faute d’accord entre les Etats membres, renvoyé à la prochaine mandature. Mardi 5 mars, l’Anses n’avait toujours rien rendu public, ne donne pas d’explication à ces atermoiements, ne fait aucun commentaire et assure que tout sera publié prochainement.
L’avis de l’Anses, que Le Monde a pu consulter, est en opposition frontale avec la position défendue sur le sujet par la France à Bruxelles ainsi qu’avec la position majoritairement exprimée par les eurodéputés Renew au Parlement européen. Celle-ci était de dispenser certaines plantes NGT, portant moins de vingt modifications génétiques et répondant à des objectifs de durabilité, d’évaluation des risques pour la santé et l’environnement, de traçabilité et d’étiquetage.
400 applications commerciales passées en revue
A l’inverse, l’Anses plaide pour une évaluation des risques pour la santé et l’environnement de ces nouvelles plantes, au cas par cas. Elle juge aussi « importante » la mise en place d’un plan de suivi après chaque mise sur le marché, tant sur les impacts environnementaux de ces « nouveaux OGM » que sur leurs effets socio-économiques.
Cet avis endosse et synthétise sur une trentaine de pages les conclusions et recommandations majeures des experts formulées dans un rapport complet, auquel Le Monde n’a pas eu accès. L’expertise a été lancée en janvier 2021, sur saisine des ministères de la transition écologique et de l’agriculture. Trois comités d’experts spécialisés de l’Anses ont supervisé l’expertise conduite par une vingtaine de scientifiques des organismes publics de recherche ou des universités. Ces derniers se sont attachés à évaluer la nécessité et les modalités de l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux des plantes NGT mais aussi leurs impacts possibles sur les filières agricoles et les acteurs économiques.
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