
Dehors, c’est le bruit. Les caméras, les réseaux sociaux, les écrans lumineux, les commentaires sans fin, la confusion, le concours d’éloquence partisane. Ici, dans la salle d’audience de la cour criminelle de Manhattan, règnent l’ordre, le respect de la procédure et des normes qui fondent un Etat de droit. Les lourds bancs en bois disent une permanence. Ici, surtout, l’ancien président des Etats-Unis Donald Trump se tait, et c’est un événement en soi exceptionnel. Inculpé pour trente-quatre faits de « falsification de documents d’entreprise », l’ancien dirigeant rend des comptes au pénal. Le moment est d’une gravité historique, à moins de six mois de l’élection présidentielle qui l’opposera à Joe Biden, le 5 novembre. De tout cela, le juge Juan Merchan, qui préside les débats, a parfaitement conscience. Au cours de ces cinq semaines d’audience, le rôle du magistrat a été crucial. Les jurés ont écouté ses arbitrages et observé ses irritations ou son amusement pincé, comme des indications silencieuses sur des flots agités.
« Good morning, Mr Trump. » C’est ainsi que, chaque matin, depuis le 15 avril, le juge salue le seul prévenu d’un ton poli, sans double fond ironique. Agé de 61 ans, les cheveux plus sel que poivre, chaussé de lunettes rectangulaires sans fantaisie, Juan Merchan sait que chacun de ses mots est scruté. Il joue plus que sa réputation. Sur lui pèse rien de moins que l’intégrité de la justice américaine que Donald Trump accable de micro en micro, se posant en victime d’une conspiration démocrate. Ses instructions finales aux douze jurés, avant leurs délibérations, dessineront le cadre dans lequel ces représentants du peuple estimeront si l’ancien président est coupable ou pas. L’unanimité est requise.
Né en Colombie, Juan Merchan a grandi dans le quartier du Queens, à New York. Diplômé de la faculté de droit de l’université Hofstra (New York), il a travaillé comme juriste auprès du procureur général de l’Etat de New York. Il a ensuite connu une expérience marquante comme juge aux affaires familiales, dans le Bronx, nommé par le maire républicain Michael Bloomberg. Juan Merchan est apparu dans la presse à scandale au moment de la condamnation d’Anna Gristina, mère de quatre enfants et organisatrice improbable d’un réseau de prostitution de luxe. Elle avait plaidé coupable en 2012. Les tabloïds avaient abondamment couvert cette histoire sulfureuse. Mais cette pression publique n’était rien par rapport à ce que le juge Merchan subit depuis des mois.
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