Devant la commission d’enquête du Sénat « sur l’impact du narcotrafic en France », Marc Sommerer, président de la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR), dite « des repentis », a mis les formes, lundi 12 février, pour tenter de convaincre les parlementaires qu’il y avait urgence à réformer le dispositif dont il a la charge. Il a fourni à des sénateurs, pas toujours attentifs, nombre de détails sur les graves lacunes du programme de repentis. Avec l’espoir que ceux-ci adaptent, enfin, la loi à la réalité de l’emprise criminelle sur la société française.
Devant cette commission d’enquête, présidée par Jérôme Durain, sénateur (groupe socialiste, écologiste et républicain) de la Saône-et-Loire, il a rappelé que si la CNPR est née de la loi Perben II, votée en 2004, elle a dû attendre 2014 avant d’entrer en vigueur, faute de décret d’application. La CNPR compte huit membres, quatre magistrats, dont le président, un policier, un gendarme, un douanier et un agent du renseignement intérieur. Elle est dotée d’un budget annuel de 780 000 euros entièrement financé par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.
Présidée par un magistrat, la CNPR est, de fait, sous tutelle du ministère de l’intérieur. Car son secrétariat est assuré par les policiers du service interministériel d’assistance technique (SIAT). De plus, a expliqué M. Sommerer, c’est le seul SIAT qui « détermine le nombre de personnes à protéger », qui « mène l’enquête de personnalité et l’évaluation psychologique du candidat, sa crédibilité, et ses motivations ». Les policiers mesurent aussi « l’intérêt judiciaire du dossier et la menace (…), puis proposent des mesures de protection et de réinsertion ».
42 personnes protégées
Ce n’est qu’après que la CNPR statue sur l’éligibilité du candidat. Au 1er janvier, 42 personnes, repentis et leurs proches compris, étaient protégées dans le cadre de 18 programmes actifs, dont les trois quarts sont liés à des affaires de trafic de stupéfiants. En 2023, 32 évaluations ont été réalisées par le SIAT contre une vingtaine en 2021. Cinq programmes ont été validés en 2023 contre deux en 2022 et trois en 2021. C’est la première fois que ces chiffres sont dévoilés depuis qu’existe le dispositif. En comparaison, le programme italien des repentis recense une centaine de personnes protégées.
Il reste du chemin à parcourir pour que la France se dote d’un programme de repentis digne de ce nom, en dépit de ces presque vingt ans d’âge. Le législateur, pour des raisons morales faisant d’un criminel une personne indigne de confiance, a bâti un système juridique inextricable et quasiment inutilisable qui, pour ne rien arranger, fait l’objet d’une guerre institutionnelle feutrée entre monde judiciaire et policier. « Malgré l’efficacité avérée de ce dispositif, il reste très insuffisamment exploité par les services d’enquête et les magistrats », admet sobrement M. Sommerer.
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