
Ne lui parlez pas de crise de la quarantaine avant l’heure. Imad Moumin l’assure : s’il a repris ses études en 2019, c’est simplement par besoin de relever un nouveau défi. « Cela faisait six ans que j’étais à mon poste de directeur administratif et financier Maghreb chez DB Schenker », la branche logistique de la Deutsche Bahn, raconte le père de famille de 42 ans. « Je commençais à m’ennuyer intellectuellement. » Son second souffle, il le trouve dans le doctorat en administration des affaires (doctorate in business administration, DBA). Un programme doctoral qui permet à des cadres très expérimentés de mener un travail de recherche pendant trois ou quatre ans tout en poursuivant leur activité professionnelle.
« Mon objectif n’était pas de me lancer dans une carrière d’enseignant, mais d’acquérir de nouveaux outils pour répondre à une problématique précise du monde de l’entreprise. » En l’occurrence, l’impact de la gouvernance sur la performance financière des sociétés. Bien poser les enjeux, valider une hypothèse, collecter des données : l’exercice de la thèse n’est pas une sinécure. « Le travail académique est tellement rigoureux que je me suis demandé, au début, si j’avais fait le bon choix », témoigne-t-il. Avec le recul, Imad ne regrette pas d’avoir tenu bon. « Le programme m’a beaucoup enrichi sur le plan intellectuel. »
Longtemps relégué dans l’ombre par le MBA (master of business administration), le DBA serait-il la dernière marotte à la mode des cadres dirigeants ? Il suscite en tout cas un intérêt croissant. Cette année, Grenoble Ecole de Management (GEM) a vu affluer plus de 1 200 demandes d’information sur ce programme, qui ont abouti à 67 dossiers de candidature dûment complétés. A l’arrivée, 26 ont été retenus. Montpellier Business School (MBS), de son côté, a reçu une cinquantaine de CV et en a gardé 24. « J’ai déjà six entretiens planifiés pour la prochaine cohorte en octobre 2025 », calcule Cyril Foropon, le directeur des programmes DBA de MBS.
« Tout le monde fait des MBA »
Pourtant, il y a encore dix ans, rares étaient ceux qui misaient dessus. « Historiquement, le DBA a été créé par Harvard en 1920 », rappelle Stéphane Thion, responsable du programme DBA de TBS Education, à Toulouse. Si les pays anglo-saxons se sont assez vite laissés séduire, l’Europe, elle, y est longtemps restée hermétique.
GEM est la première en France à y avoir cru, dans les années 1990. « Plutôt que de proposer un PhD [doctorat] classique, on a préféré garder un lien avec le monde professionnel », se souvient Philippe Monin, le directeur académique. En trente ans, plus de 600 alumni – en immense majorité étrangers – sont sortis diplômés de l’un des deux programmes DBA de l’école en France et aux Etats-Unis. Surprenant pour un cursus qui, dans l’Hexagone, n’est même pas « visé » (reconnu) par l’Etat. Pas tant que ça. « Jusque-là, quand on voulait progresser dans sa carrière, on suivait un MBA, assure Alon Rozen, doyen et directeur général de la business school de l’Ecole des ponts et chaussées. Sauf qu’aujourd’hui tout le monde en fait. » Il faut donc trouver d’autres manières de se distinguer sur le marché du travail. Le DBA en est un.
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