L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Le deuxième long-métrage de Dani Rosenberg, après un premier essai foutraque autour du décès paternel (La Mort du cinéma et de mon père aussi, 2021), renoue avec la vigueur du jeune cinéma israélien, une façon de convertir la rage en mouvement. De fait, ce nouveau film n’est d’abord rien d’autre que le récit d’une course, lancé aux trousses d’un personnage fonçant tête baissée dans la clandestinité.
Tout commence en état de siège, au sein d’un immeuble défoncé de Beit Hanoun, dans la bande de Gaza, où s’abrite un bataillon de l’armée israélienne. Au moment d’évacuer l’endroit, Shlomi (Ido Tako), soldat de 18 ans effectuant son service militaire, décide tout à coup de rester en arrière, laissant la troupe avancer sans lui. En décrivant un pas de côté, il sort de son rôle de combattant, aussi bien que de la logique guerrière et du narratif politique qui président aux affrontements. Son geste inaugural est ainsi de faire défection à tout, y compris au film de guerre qui s’amorçait sous nos yeux.
Shlomi, prenant ses jambes à son cou, s’engage sur une ligne de fuite autrement moins prévisible. Une cavale le mène hors du territoire de Gaza jusqu’à Tel-Aviv, à grands coups de travellings haletants et heurtés, au rythme d’un jeu de batterie freestyle. Sur place, c’est évidemment la vie de tous les jours, celle d’avant la conscription, qui l’attire : il cherche d’abord à revoir ses proches, ses parents, surtout sa petite amie, Shiri (Mika Reiss), en partance imminente pour le Canada et qu’il voudrait convaincre de rester.
Mais dans une ville sous tension, où les militaires patrouillent à chaque coin de rue, Shlomi est toujours contraint d’évoluer à couvert, de se dérober, de raser les murs, de rebondir. Concernant sa défection, il voit autour de lui se mettre en place un scénario qui lui échappe : son absence est immédiatement interprétée comme un acte terroriste d’enlèvement, une prise d’otage par l’ennemi. Ce qui ne manque pas de justifier en son nom une riposte sanglante.
Position existentielle
Divulgué en août 2023 au Festival de Locarno, Le Déserteur s’est retrouvé heurté de plein fouet par l’actualité alors qu’il poursuivait sa tournée en festivals, synchrone avec les attaques du 7 octobre 2023 du Hamas sur le district sud d’Israël, précisément là où le récit établit son point de départ. Investi, malgré lui, d’un caractère prophétique, le film tire pourtant son inspiration d’événements survenus bien en amont, en 2006 : l’opération « Pluies d’été » déclenchée pour récupérer un soldat capturé par un commando palestinien.
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