La vocation rebelle du pavé de Paris ne date pas du mouvement de Mai 68. Il a servi de matériau de base aux barricades des journées révolutionnaires de 1830 et de 1848, ainsi qu’à celles érigées par les communards de 1871 ou lors de la libération de la capitale en 1944. Lorsque, en 1968, se déclenchent « les événements » – terme dédaigneux longtemps utilisé par certains pour désigner cette période –, le pavage parisien depuis longtemps assagi renoue avec le bruit et la fureur.
Dès la première nuit des barricades, le 10 mai, les pavés volent. Pour expédier à bonne distance, et sans prendre trop de risques, ce cube d’environ 10 centimètres d’arête pour un poids de 1 kilo et demi, il faut avoir 20 ans, de la force dans le bras et courir vite. Outre ses états de service accumulés à travers l’histoire des soulèvements parisiens, le pavé présente l’avantage d’être toujours à portée de main. Il suffit de se baisser pour le ramasser.
Depuis que Philippe Auguste a entamé le pavage des rues parisiennes au XIIe siècle, le parallélépipède en grès – remplacé dès les années 1930 par des pavés de granit breton – appartient au patrimoine de la Ville Lumière. Cet accessoire, indispensable à tout soulèvement qui se respecte, se taille immédiatement une place de choix parmi les mythologies de Mai 68. Le journal du Mouvement du 22 mars s’appelle Le Pavé, et l’objet figure sur d’innombrables affiches de la contestation.
Il vous reste 53.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
