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« Le plaisir du dessin est plus fort que la peur ! »

by Marko Florentino
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Riss, directeur de « Charlie Hebdo », à Paris, en mars 2024.

Pour marquer les 10 ans de l’attentat contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, le journal satirique publie un livre qui rend hommage aux huit membres de l’équipe assassinés ce jour-là. Charlie liberté. Le journal de leur vie (Les Echappés, 224 pages, 29,90 euros, en librairie le 5 décembre) est un livre bouleversant par sa fragilité, son dépouillement même, puisqu’il se contente pour l’essentiel de donner à voir les images des dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, et à lire les textes de la psychanalyste Elsa Cayat, du correcteur Mustapha Ourrad et de l’économiste Bernard Marris. On y découvre, par exemple, les dessins de jeunesse de Cabu (une publicité pour les stylos Météore, des caricatures réalisées à 15 ans…), de Charb (un portrait de famille, un fanzine de collège…) ou d’Honoré (des contributions à l’Almanach Vermot). A ces disparus que Philippe Lançon, dans Le Lambeau (Gallimard, 2018), appelait « les dépossédés », le livre restitue, à même les pages, une solidarité qui prend sa source dans les joies de l’enfance. Entretien avec Riss, directeur de Charlie Hebdo.

« Il est impossible d’écrire quoi que ce soit » à propos de l’attentat contre « Charlie Hebdo », écriviez-vous dans votre livre « Une minute quarante-neuf secondes » (Actes Sud, 2019). Est-ce la raison pour laquelle l’album-hommage « Charlie liberté » laisse si peu de place au texte et privilégie les dessins ?

On se sent toujours un peu illégitime pour évoquer les disparus, c’est très inconfortable, les années passent, on a peur de l’oubli. Or, ils méritent mieux que d’être commémorés comme les victimes d’un attentat, c’étaient surtout des artistes, et leur vie d’artistes ou d’intellectuels a commencé tôt, avant Charlie, et elle a irradié au-delà de Charlie. Je voulais montrer leur talent, leur sensibilité artistique, ce qu’ils ont créé. Et puis, j’aime bien donner directement la matière au lecteur, je préfère qu’il découvre par lui-même, qu’il se fasse son propre récit.

Vous avez souvent affirmé votre refus de voir « Charlie » devenir un musée. Alors, ce livre, si ce n’est pas un musée à vos yeux, qu’est-ce que c’est ?

Je voulais faire comprendre tout ce qu’on a perdu. Chacun d’entre eux était un petit monde, avait une sensibilité unique, et c’est cela qui a été détruit. Plus les années passent, plus le temps est figé, comme s’il s’était arrêté le 7 janvier 2015. Je m’en aperçois quand je fais des rencontres avec des lycéens, à l’époque ils avaient 5 ans, pour eux c’est un événement qui appartient à l’histoire. Et ça nous fait bizarre, pour nous c’est encore un événement d’actu, un événement vécu.

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