![Salle d’attente du local du planning familial de Lille, 23 octobre 2023.](https://img.lemde.fr/2024/10/26/0/0/6189/4126/664/0/75/0/5dd76a4_1729925602790-reportageivg-anoukdesury-lightmotiv-38.jpg)
C’est un chapitre important dans l’histoire du Planning familial qui s’ouvre : l’association féministe a pris la décision, mardi 29 octobre, de lancer un appel à témoignages afin de savoir si des femmes, qu’elles aient été adhérentes ou patientes, ont été victimes de violences sexuelles lors de leur prise en charge aux premières heures du mouvement, dans les années 1960, par Henri Fabre, un médecin cofondateur du Planning. Avec un coup de projecteur plus précis, explique Sarah Durocher, l’actuelle coprésidente, sur la période « de 1961 à 1975 », celle qui a vu de nombreux hommes, médecins comme le docteur Fabre, ouvrir et diriger des associations locales du Planning. Ce qui pourrait justifier d’un élargissement de l’appel à témoignages.
A l’heure d’un questionnement qui traverse toute la société sur les violences sexistes et sexuelles, « comment imaginer que le Planning soit exempt de tels agissements ? », interroge la militante. Et pour cause : en octobre 2021, le témoignage d’Irène (elle ne souhaite pas donner son nom), 84 ans aujourd’hui, parvient à l’une des antennes de Grenoble, berceau du mouvement. Elle rapporte, presque soixante ans jour pour jour après les faits, son agression par le docteur Fabre, « une personnalité du mouvement », lors d’une consultation. Irène est reçue, écoutée. Quelques semaines plus tard, elle reçoit un courriel signé par plusieurs salariées, saluant son courage et s’engageant à « donner suite à son témoignage ».
Un rendez-vous à Paris, avec des représentantes nationales, est projeté, mais il n’aboutit pas. La date, celle de son anniversaire, ne convient pas à Irène, mais elle se dit disponible à tout autre moment. C’est le début de près de trois ans d’attente, que l’octogénaire décide de rompre en contactant Le Monde. Ce qui a fait réagir le Planning familial : « Ce témoignage va être pris en charge, explique Sarah Durocher, afin d’accompagner la victime et d’identifier si d’autres victimes de ce médecin en particulier et, possiblement, d’autres médecins, dans d’autres lieux, souhaitent nous parler. »
« Les pieds sur les étriers, je l’ai senti contre moi »
Ce recueil de témoignages passe par une messagerie téléphonique et une adresse e-mail créée à cette fin par le cabinet Egaé, spécialisé dans les violences sexuelles – celui auquel a déjà fait appel le mouvement Emmaüs au sujet de l’abbé Pierre. « Nous allons aussi essayer de comprendre ce qui a dysfonctionné [dans le délai de traitement du témoignage d’Irène], reprend Mme Durocher. On rejoint là la problématique de la domination médicale sur le corps des femmes. On est au début d’un travail de recherche. C’est la suite de #metoo. Si ça permet, y compris à des femmes de cette génération, de parler, c’est bien. » Reste à savoir combien, vu l’ancienneté de la période, seront en mesure de le faire.
Il vous reste 54.74% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.