
Je n’ai jamais vu personne de ma famille cuisiner et n’ai jamais cuisiné avec personne de ma famille. Mes parents se sont séparés quand j’étais toute petite. J’ai grandi dans une certaine précarité, à Villeneuve-la-Garenne [Hauts-de-Seine]. Durant mon enfance, au quotidien, on mangeait essentiellement des plats surgelés et des boîtes de conserve. Ma mère préparait des basiques et je crois n’avoir vu mon père aux fourneaux qu’une seule fois, pour tenter de faire une soupe de légumes qui fut catastrophique.
Mon seul vrai souvenir culinaire, c’était les repas de Noël chez ma tante, de grands festins qui me fascinaient. Aujourd’hui, mon père est décédé, ma mère travaille dans la petite enfance. J’ai fait des études de droit, vite abandonnées, puis de langues, mais je n’ai jamais fini ma licence et j’ai enchaîné plein de petits boulots dans la vente en magasin (bijoux, vêtements, etc.), pour rapidement gagner mon indépendance.
J’ai commencé à cuisiner durant le premier confinement, comme beaucoup de gens. Nous venions d’emménager mon copain et moi dans un nouvel appartement, avec, pour la première fois, une cuisine qui faisait plus de 3 mètres carrés. J’avais de l’espace, quatorze heures par jour à tuer et des magasins d’alimentation ouverts, je me suis lancée. Le premier plat que j’ai fait était une tarte aux pommes, j’étais trop fière, même si elle avait une sale gueule.
Un peu provoc et sans chichis
Tous les jours, j’essayais une nouvelle recette, il y a eu des gros ratés, mais je me suis prise au jeu, en cuisinant les plats simples que j’avais envie de manger. Quand il a fallu retourner au boulot, je me suis rendu compte que la relation client me pesait de plus en plus. En octobre 2023, j’ai décidé de quitter mon job avec une rupture conventionnelle. Je touchais un petit chômage, je ne savais pas trop quoi faire, j’ai commencé à réaliser des vidéos de recettes et à les poster sur les réseaux sociaux, pour faire rigoler mes potes et penser à autre chose.
Trois mois plus tard, mon compte a explosé, j’ai gagné 50 000 abonnés d’un coup, j’avais des notifications dans tous les sens, une agence m’a contactée, des marques ont commencé à me démarcher. J’ai décidé d’attendre un peu pour retourner faire de la vente et je pense que j’ai bien fait. Je crois que les gens ont été séduits par le côté vulgarisé et démocratisé de ma cuisine, un peu provoc et sans chichis, comme ma personnalité.
J’essaie de travailler différents aliments, légumes ou viandes, en proposant des assiettes solides, qui tiennent au corps, même quand elles sont végétariennes. Je fais des grosses plâtrées de comfort food, j’essaie de dégenrer la cuisine sur les réseaux, montrer qu’une entrecôte n’est pas qu’un truc de mec et que tout le monde peut aimer les choux de Bruxelles rôtis.
Le curry japonais est l’un des premiers plats que j’ai appris à faire et que je pourrais manger pour le restant de mes jours. C’est, pour moi, le repas parfait, réconfortant et diversifié. Quand j’ai commencé à avoir une petite notoriété, je me suis rendu compte que manger c’était politique. Et, si je peux mettre tout le monde d’accord sur la bonne bouffe, j’ai gagné ma bataille.
La grande bouffe. Les recettes pour apprendre en se marrant, de Sandy Ramier, First, 168 p., 19,95 €.
@lagrande_bouffe