« Ah ça y est, ça commence, ils ont pris le melon ! » Lundi 1er juillet, dans la cour de l’Assemblée nationale, un photographe s’agace de ce que Sébastien Chenu daigne à peine offrir aux objectifs son sourire de député réélu. M. Chenu, dans le Nord, est l’un des trente-neuf députés d’extrême droite élus au premier tour des élections législatives dimanche. Mais, contrairement aux trente-et un élus du Nouveau Front populaire, aucun autre député d’extrême droite ne s’est présenté au Palais-Bourbon ce lundi pour récupérer son écharpe tricolore et prendre – reprendre, dans la quasi-totalité des cas – les mesures pour son bureau. Il y a trois ans encore, cela aurait offert une photo de groupe à accrocher en quatre par trois aux murs du parti, mais aujourd’hui ? Le Rassemblement national (RN) espère désormais revenir à trois cents et forcer les photographes à sortir le grand-angle, lundi 8 juillet.
Discrétion, donc, pour l’heure, et grands chefs calfeutrés tout l’après-midi au siège du parti, dans le 16e arrondissement de Paris, pour un bureau exécutif censé trancher la ligne de l’entre-deux-tours. La veille au soir, Marine Le Pen et son conseiller Renaud Labaye n’écartaient pas l’hypothèse de désistements au cas par cas. A condition de permettre l’élection de candidats Les Républicains (LR) s’engageant à voter le budget d’un gouvernement RN, ou de faire battre un candidat « néfaste », c’est-à-dire un « insoumis » particulièrement radical. Le RN a tranché. « La décision a été prise de ne pratiquer aucun désistement, déclare Marine Le Pen au Monde. Quand on analyse les situations où nous sommes troisièmes, il y a très peu de cas où un LR compatible avec nous a fini premier. Et puis, nos électeurs sont assez sérieux pour faire le bon choix. » A peine entérinée, cette décision a souffert d’une première exception : en Haute-Corse, le parti a retiré sa candidate d’une triangulaire au profit d’un candidat divers droite, face au député sortant autonomiste, dont la réélection devient très compromise. Un autre désistement est à signaler, mais celui-ci n’a rien de stratégique : celui de la candidate arrivée troisième dans la 1re circonscription du Calvados, Ludivine Daoudi, après la diffusion d’un cliché d’elle arborant une casquette nazie.
Les lepénistes affirment avoir reçu, via Sébastien Chenu et le député sortant Jean-Philippe Tanguy, des demandes de désistement de la part d’ex-députés de la majorité sortante en situation d’être battus par la gauche. Accusations invérifiables, les intéressés ne souhaitant pas donner le nom de leurs potentiels collègues inquiets. « Ce sont des gens qui voudraient que l’on s’efface pour eux et seraient capables de dire dans la minute qu’ils ne veulent pas des voix du RN, s’agace M. Tanguy, passé à quelques centaines de voix d’une réélection dès le premier tour dans la Somme. On n’a aucune sympathie pour ce que font la gauche et la Macronie, on ne va pas faire pareil dans l’autre sens parce qu’ils sont sympas à la buvette. On n’a aucune confiance en eux. »
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