Don Giancarli, tatoueur parisien de 31 ans, préconise à ses clients de détourner leur regard durant ses séances. Ils ne découvrent leur tattoo qu’à l’état final, une fois leur peau recouverte d’encre permanente. « Je ne travaille qu’en improvisation directe », assure le trentenaire, un insecte gravé sous l’œil droit.
Des photos d’hommes et de femmes dénudés, recouverts de motifs floraux, de lignes et de courbes, remplissent son compte Instagram, Maison Métamose, qui rassemble près de 54 000 abonnés. Des cartes de tarot colorées à l’aquarelle, des illustrations et des peintures se logent entre deux corps tatoués. Son site Internet ressemble moins à une maquette commerciale qu’à un manifeste : « Je ne tatoue pas. Je ne fabrique pas de protection, je ne fonde aucune armure. Je déshabille la peau. »
Comme lui, des jeunes tatoueurs utilisent l’épiderme comme un moyen d’expression artistique. Chloé (jeune.et.jolie.ttt sur Instagram), 23 ans, pratique le tatouage depuis deux ans, à côté de ses études à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. « Je cherchais un moyen de faire vivre autrement mes dessins », explique-t-elle. Designeuse textile, elle considère le tatouage comme un médium parmi d’autres. « Je fais un dessin, puis je me dis : sur quel support va-t-il le mieux exister ? » Sur son compte Instagram, elle propose des « flash tattoo » : des dessins qu’elle ne reproduit qu’une seule fois sur une seule peau. « Mes clients les attendent comme une nouvelle collection de vêtements », affirme-t-elle. L’une d’entre eux, Stéphanie Deust, 28 ans, apprécie ce sentiment d’exclusivité, qui fait d’elle l’unique détentrice de ces dessins : « Si le tattoo était refait à l’identique sur une autre personne, j’avoue que je le prendrais mal. »
Nouveau style expérimental
Dans sa collection de 30 tatouages figurent trois créations de Chloé : une tasse à café, une libellule et un chat. Séduite par son style « enfantin et moderne », elle est passée, en tout, par l’aiguille de dix tatoueurs. Tous repérés sur les réseaux sociaux, où l’offre est vertigineuse. « Euro-trash », « cyber sigilism », « Blackwork » sont quelques-uns des nouveaux styles qui fleurissent sur Instagram et Tiktok. Parmi eux, « l’ignorant style », lancé par le graffeur et tatoueur Fuzi, se caractérise par une exagération de l’imperfection de l’écriture et de l’image. Sur des photos de corps tatoués, trouvés sur Instagram, des phrases, qui semblent griffonnées au stylo ou à la craie, recouvrent un dos ou un torse. Une fourchette ou un téléphone à clapet décorent un mollet ou une cuisse. « Quand j’ai commencé à tatouer, mes parents ne comprenaient pas que je pouvais faire une maison ou une bouteille de vin, et donc pas un truc maxi significatif, comme le nom d’un proche », commente Chloé.
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